Grande démission : le point de vue de Coralie Rachet, dirigeante de Robert Walters

grande démission

La grande démission fait la Une des journaux depuis 2 ans et pourtant les chiffres montrent que la réalité est beaucoup plus nuancée et que c’est notre rapport au travail qui a changé. Coralie Rachet, dirigeante du cabinet de recrutement Robert Walters France qui vient de publier une étude sur le sujet, nous décrypte les dessous de cette tendance.

Assiste t-on véritablement à une grande démission ou plutôt à un grand questionnement du rapport au travail ?

Oui j’aime bien cette approche en tout cas de d’assumer que ce n’est pas un sujet de démission pur et dur car finalement ce taux de démission n’est que de 2,5% ! On a déjà eu des chiffres supérieurs à 2,9% en France. Nous avons aujourd’hui un marché de l’emploi euphorique avec beaucoup d’opportunités pour les cadres, ils ont donc la possibilité de se questionner sur la place qu’ils veulent donner à leur travail. Est-ce que c’est nouveau ? Pas forcément mais en tout cas c’est un phénomène qui s’est accéléré et qui s’assume beaucoup plus.

Quels sont les raisons principales de cette grande démission ou grand questionnement ?

Dans notre enquête il y a d’abord ce chiffre qui dit qu’en 2022, 9 cadres sur 10 ont songé à démissionner – un chiffre renforcé par le fait que 71% d’entre eux disent vouloir partir dans 2 ans. Mais entre la déclaration et la réalité on a parfois 2 réalités différentes. Nous avons identifié 3 raisons principales à cette envie de démission :

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  • La première est classique, elle est de se dire qu’on a envie d’évoluer et de se former pour faire évoluer sa carrière.
  • La seconde, c’est le sujet de la rémunération et le fait qu’elle n’est pas en en ligne avec nos compétences. Avec les niveaux d’inflation record qu’on a pu vivre, il y a des attentes d’augmentation plus significatives qui sont venues booster cette motivation.
  • Mais, la première raison qui fait partir et démissionner, c’est le rapport au management.

Pour 51%, les collaborateurs disent qu’ils quitteront une entreprise parce qu’ils sont un désaccord avec leur management et qu’ils ne se sentent pas en ligne avec la culture de l’entreprise. Et donc dans ce contexte-là, ils se mettent en quête d’un nouveau poste. Il y a d’ailleurs beaucoup plus d’opportunités actuellement sur le marché du travail, à titre indicatif : 8 cadres sur 10 trouvent un poste en moins de 6 mois.

Quel type de management est remis en cause ? Qu’est-ce qui les fait partir ?

Ce qui se traduit dans nos différentes enquêtes et ce que nous disent nos candidats c’est un management trop rigide, trop descendant qui n’offre pas de flexibilité et qui crée moins de confiance et de transparence. On parle beaucoup de la question de l’engagement mais celle-ci passe par une relation différente et cela ne concerne pas uniquement les jeunes générations. Tout le monde aspire à avoir des rapports plus collaboratifs et plus sains avec leur ligne managériale.

C’est d’ailleurs pour faire le lien avec Business O Féminin, un sujet aussi très féminin. Nous l’avons moins fait apparaître dans notre enquête, mais la réalité c’est que quand vous parlez des raisons de départ liées au mauvais management, elle est évoquée pour 47% des femmes versus 34% des hommes. Les femmes attendent un management différent, une compréhension plus forte sur leurs besoins de flexibilité et plus globalement du respect.

Je pense qu’encore une fois on parle de confiance, de respect, de relations humaines sur lesquels les attentes et les niveaux d’exigence ont été renforcés. Pour garder les collaborateurs engagés, le rôle du manager est clé surtout dans des périodes comme celles que nous avons vécu avec les confinements et le télétravail. Or, dans certaines entreprises, la culture managériale n’est pas toujours au rendez-vous. Il y a des managers toxiques qui ont du mal à conserver leurs collaborateurs et à recruter. L’image de marque d’un manager peut être écornée par un réseau d’alumni notamment, et l’entreprise peut de ce fait avoir du mal à recruter ou à garder ses collaborateurs. C’est un vrai défi pour les RH dans les années à venir.

Dans l’étude, on voit aussi qu’il y a parfois une volonté de démissionner car ils ne voient pas de perspectives d’évolutions.

C’est vrai qu’il y a une vraie accélération en termes d’attentes et un effet rattrapage après la période COVID. Il y a une forme d’impatience et une envie de nouveauté qui est clairement exprimée. Cela s’est aussi traduit dans notre enquête par un très fort besoin de formation. Il y a une anxiété autour de l’employabilité et le fait d’avoir de nouvelles compétences, et donc de se faire accompagner. Beaucoup d’efforts sont mis sur les sujets de mobilité interne dans les entreprises mais ça reste toujours un sujet sensible sur lequel il y a parfois beaucoup de silos. Et un gros enjeu des dirigeants et des RH pour assurer une forme de fluidité en interne et d’être en capacité d’identifier les potentiels et ceux qui veulent absolument évoluer afin de ne pas les laisser partir.

La question du bien-être ressort aussi dans votre étude, qu’attendent les salariés ?

Oui, en effet cela fait partie des gros sujets d’attente de la part des cadres d’avoir un cadre de travail agréable et de bonnes conditions de travail. Cette prise de conscience s’est clairement accélérée avec le télétravail. Il n’y a pas uniquement la question du nombre de jours de télétravail mais parfois l’autonomie et la flexibilité qui est donnée dans une même journée.

Les entreprises ont beaucoup investi pour coller à ces attentes car il y a une véritable envie de faire revenir les collaborateurs afin de recréer du lien social. D’où une réflexion sur l’espace de travail notamment.

Dans les plans de formation sont également intégrés des sensibilisations sur la capacité à gérer le stress, à trouver un bon équilibre entre vie privée et vie professionnelle, des accompagnements sur des sujets de respiration, de cohérence cardiaque, des séances de yoga dans les entreprises… Beaucoup d’initiatives ont été lancées afin de mieux prendre en compte la question de la santé mentale des collaborateurs.

Aux vues de cette étude et de ces attentes fortes, va-t-on vers un emploi à la carte ?

Je pense qu’il y a la nécessité d’individualiser les solutions et de donner plus de flexibilité, d’autonomie et de liberté. L’enjeu pour nous, c’est de trouver ce bon équilibre. Répondre aux objectifs individuels des collaborateurs tout en conservant le sujet du collectif.

Propos recueillis par Véronique Forge

L’étude est à retrouver dans l’Espace Ressources pour les membres du Club Business O Féminin : inscrivez-vous dès maintenant !

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