Devenir parent est souvent perçu comme un frein à la carrière professionnelle. Pourtant la parentalité permet aussi de développer de nombreuses compétences utiles au travail et qu’il faut oser mettre en avant.
Devenir parent peut parfois s’apparenter à une voie de garage avec une période de mise à l’écart professionnelle pendant le congé maternité ou parental mais aussi au retour de celui-ci. Gaëlle Brouat a travaillé dix ans dans le recrutement avant de fonder le cabinet L’escale (spécialisé dans le bilan de compétences). Elle se souvient d’expériences qui lui ont démontré qu’être parent est un frein dans une vie professionnelle : « Je recrutais sur des postes de cadres supérieurs. Mes clients me disaient : « tu ne vas pas la prendre, elle a 28 ans et va faire des enfants ». Il y avait aussi de la discrimination après la grossesse car on me disait qu’une mère ne voudrait pas découcher pour les déplacements commerciaux. Et puis, sur d’autres postes, les femmes devaient de nouveau faire leurs preuves à leur retour de congé maternité même si elles étaient là depuis dix ans », se souvient Gaëlle Brouat.
La société évolue et certains secteurs ont plus de difficultés à recruter des talents, ce qui amène les employeurs à revoir leurs positions mais cela se fait lentement. « Les entreprises qui mettent sur la touche les parents sont celles qui n’ont pas compris les nouveaux enjeux. Il n’y a plus la vie pro d’un côté et la vie perso de l’autre, il y a juste la vie. Outre la rémunération, les cadres regardent aussi les avantages à côté quand ils postulent. C’est important de les soutenir pour les recruter et les retenir », souligne Lucille Wattraint, fondatrice de Juners, agence qui accompagne les entreprises sur les sujets de la parentalité et de l’égalité femmes/hommes.
Devenir parent, une occasion de développer ses compétences
Dans une étude menée par des psychologues de l’Université d’Oslo auprès de 400 personnes, 74 % des participants ont estimé être de meilleurs employés ou dirigeants après avoir eu un enfant. La parentalité est en effet l’occasion de développer des soft skills très utiles au quotidien et transposables au travail. Devenir parent apprend ainsi à anticiper, à gérer plusieurs tâches simultanément, à s’organiser, à développer sa patience, son empathie, sa communication, sa productivité, sa capacité à négocier, à gérer le stress…
Gabriel Bally en a fait l’expérience. Alors responsable du développement commercial dans une entreprise de dépollution des sols et des sites, il se heurte à un manque de place dans la crèche interentreprises et décide de prendre un congé parental de 4 mois pour s’occuper de sa fille. « J’étais un gros bosseur mais ce congé parental m’a appris à relativiser par rapport à mon travail, à être patient, multitâche, empathique… Je suis désormais directeur et ça m’aide à manager car je n’impose pas aux autres de rester travailler jusqu’à 19h et je comprends qu’ils ont des impératifs personnels », reconnaît Gabriel Bally.
A son retour de congé parental, son N+1 lui lance des réflexions, le charge de travail, fixe des réunions en fin de journée… Quand sa demande d’augmentation est refusée, il démissionne. « En tant que père, j’avais des responsabilités aussi. Je savais ce que je voulais et ne voulais pas. Ma paternité m’a aidé à m’affirmer dans mes choix », ajoute-t-il. Après un passage dans une autre entreprise, il développe une idée et la présente à son ancien PDG qui le recrute de nouveau mais cette fois à un poste de directeur. Son audace a payé et peut inspirer. Encore faut-il réaliser quels sont ses atouts et les valoriser.
Prendre conscience de sa valeur
Après avoir pris une pause pour s’occuper de leur enfant, les femmes peuvent avoir une baisse de confiance en elles. Dans ce cas, il est possible de faire un point sur ses soft skills grâce à des tests en ligne ou de participer à des ateliers qui apprennent à transposer ses compétences parentales dans le contexte professionnel. Comme ceux proposés par ateliersdurables.com par exemple.
« Il ne faut pas hésiter à mettre en avant ses qualités, au même titre que ses diplômes, lors d’un entretien, sur son CV ou sur LinkedIn. Si on s’est découvert des facilités pour organiser des événements (baptêmes, anniversaire, …), on peut indiquer que l’on maîtrise la gestion d’événements ou de projets par exemple. En plus d’être devenue beaucoup plus patient et d’avoir acquis des compétences en communication grâce à nos enfants », suggère Lucille Wattraint. Cette mise en avant peut aussi passer par l’affichage du logo « Ma pause parentale » sur son profil LinkedIn. C’est en découvrant cette initiative mise en place aux États- Unis que Gaëlle Brouat a décidé de faire de même en France pour que le congé maternité ou parental ne représente pas « un trou sur le CV ».
Depuis LinkedIn permet également d’indiquer un congé parental en guise d’expérience sur son CV en ligne. « On a lancé « Ma pause parentale » en 2021 et on ne s’attendait pas à ce que ça prenne autant d’ampleur. On l’a pensé à destination des femmes mais beaucoup d’hommes ont souhaité le mettre également. Les pères s’emparent du sujet et le changement des mentalités en entreprise fera sûrement son chemin grâce à eux », estime Gaëlle Brouat.
Dorothée Blancheton
