Différences de revenus au sein du couple et risque de séparation

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Les situations dans lesquelles les femmes gagnent davantage que leur partenaire sont de plus en plus courantes en France, reflet d’une progression de l’égalité professionnelle et d’une transformation sociétale de fond.

Une récente étude fondée sur les données de l’Échantillon Démographique Permanent (EDP) propose d’examiner les liens entre les différences de revenus au sein du couple et le risque de séparation.

Les résultats interpellent : au lieu de traduire une avancée vers une égalité harmonieuse, ces écarts semblent, paradoxalement, fragiliser les unions.

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Le risque de séparation augmente avec le revenu féminin dominant

Lorsque la part des revenus de la femme dépasse 55 % du revenu total du couple, le risque de séparation passe de 11 % à 40 %, comparé aux couples où les revenus sont plus équitablement répartis. Ce chiffre, à première vue, semble contre-intuitif : pourquoi une femme plus indépendante financièrement augmenterait-elle la probabilité de rupture ? L’étude suggère que la différence de revenus dans le couple s’accentue en faveur de la femme, plus la stabilité du couple est remise en question.

Mais au-delà de la statistique brute, plusieurs dynamiques sociales et psychologiques sont à l’œuvre.

Statut du couple : mariage, PACS ou union libre, des effets différenciés

Le lien entre la différence de revenus dans le couple et le risque de rupture varie selon la nature du lien conjugal. Si cette association est présente dans tous les types de couples, elle est moins marquée chez les partenaires pacsés. Dans les couples mariés, en revanche, les normes restent plus ancrées ! La stabilité semble davantage assurée lorsque l’homme reste le soutien financier principal du foyer.

Ce constat met en lumière une réalité persistante : les schémas de genre traditionnels continuent d’influencer les dynamiques conjugales, même dans un contexte de modernité apparente.

Vers une autonomie qui redéfinit les rapports de force

L’un des apports majeurs de cette étude est d’interroger la relation entre autonomie économique des femmes et pouvoir décisionnel dans le couple. Une femme gagnant mieux sa vie se trouve en mesure de faire des choix. Y compris celui de la séparation, si elle considère que la relation ne répond plus à ses attentes personnelles ou affectives.

Autrement dit, il ne s’agit pas nécessairement d’un facteur de déséquilibre causé par un « trop-plein » de revenu féminin. Plutôt d’un déplacement du rapport de dépendance économique historiquement subi par les femmes. Là où les femmes d’hier restaient parfois faute de moyens, celles d’aujourd’hui peuvent partir par choix.

L’équilibre vie professionnelle / vie personnelle en question

Un élément regrettablement absent de l’étude, mais pourtant central à mes yeux, est le temps consacré au travail et le degré d’investissement professionnel. Gagner plus implique souvent des responsabilités accrues, des horaires plus lourds, une charge mentale professionnelle élevée. Autant de facteurs qui peuvent empiéter sur la vie de couple et familiale. Il serait pertinent d’intégrer cette variable pour mieux comprendre les arbitrages quotidiens qui affectent l’intimité.

Une femme très investie dans sa carrière peut voir émerger des tensions : ressentiment de l’autre partenaire, fatigue, moindre disponibilité émotionnelle ou logistique, sentiment d’inversion des rôles… Surtout si ceux-ci ne sont pas acceptés ou négociés clairement.

Normes de genre et héritages culturels : une lente évolution

Ce phénomène met en lumière la persistance des normes genrées, souvent inconscientes, qui façonnent les attentes au sein du couple. Même chez les jeunes générations, plus exposées à des modèles égalitaires, la réalité semble plus nuancée. L’homme « gagne-pain » reste une figure de stabilité, voire d’identité masculine, dans l’imaginaire collectif. Ainsi, lorsqu’une femme gagne davantage, certains hommes peuvent éprouver une perte de repères, de pouvoir, voire d’estime de soi.

Cette dissonance entre les aspirations égalitaires affichées et les représentations enracinées pourrait être source de tensions dans la vie conjugale.

Une transformation inachevée mais nécessaire

L’étude met en lumière une transition sociétale encore incomplète. L’émancipation économique des femmes ne s’est pas encore totalement accompagnée d’une redéfinition des rôles au sein du couple, ni d’une acceptation généralisée de ces nouveaux équilibres. Pour que l’autonomie des femmes ne rime plus avec instabilité conjugale, il est essentiel de repenser collectivement les modèles relationnels.

Cela passe par l’éducation dès le plus jeune âge, la mise en valeur de la co-parentalité, le partage des charges domestiques. Mais également une transformation du regard porté sur la réussite féminine – qui ne devrait pas, en 2025, être perçue comme une menace.

Viviane de Beaufort

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