La grossesse et la maternité amènent souvent les femmes à repenser leur vie professionnelle pour mieux la conjuguer avec leur nouveau rôle. Pour certaines, cela passe par la création d’entreprise, synonyme de liberté. Trois femmes devenues mères reviennent sur leur parcours d’entrepreneures.
Chloé Thomas, créatrice de « Le très beau tablier »
J’étais journaliste pour le magazine Challenges depuis 11 ans. J’attendais mon deuxième enfant et j’aspirais à pouvoir m’organiser comme je voulais. Mon mari travaille tard, j’avais des horaires décalés et avec la vie parisienne, ça me semblait peu compatible de poursuivre ainsi.
J’ai profité d’un plan de départ volontaire pour tenter ma chance dans l’entrepreneuriat. Passionnée de mode, j’ai eu l’envie de proposer une palette de tabliers élégants qui s’adaptent à toutes les morphologies et les goûts. Pendant ma grossesse, j’ai préparé un business plan, une étude de marché… Le licenciement économique a été une chance. J’avais une année de reclassement, des indemnités de chômage et je bénéficiais pendant 18 mois d’un accompagnement par le cabinet de consulting Altedia. Celui-ci m’aide pour le marketing, la production, la compta… J’ai également intégré une couveuse d’entreprises. Ca m’a permis de travailler avec leur n° de siret en attendant d’être immatriculée en juin 2018.
J’ai commencé par dessiner des patrons de tabliers, trouvé des fournisseurs de tissus, assuré les coupes et confié la confection à des couturières que je connaissais. L’équipe s’est agrandie au fil des commandes. Depuis quelques temps, je délègue 80% de la coupe à une société qui la fait au laser. J’ai également fait appel à une styliste pour mes tabliers japonais et à un développeur freelance pour mon site internet. Un réseau de gens bienveillants m’aide à m’entourer. Mais je ne demande jamais trop pour ne pas me sentir redevable. La production de mes tabliers se fait à 100% dans les Vosges, ma région d’origine. J’y passe un tiers de l’année et dois donc m’organiser au mieux.
« Tout le monde croit que monter sa boîte c’est un prétexte pour être mère au foyer »
Les premiers mois, ma fille n’était pas gardée ; je travaillais donc à mi-temps. C’est compliqué quand l’activité débute de faire garder ses enfants car ça a un coût et on n’a pas encore trop de travail. Désormais, mes enfants ont 3 ans et demi et 20 mois. L’aîné va à l’école et la petite est gardée. L’activité prend de l’ampleur et je peux m’y consacrer pleinement. En réalité, je n’ai jamais autant travaillé que maintenant ! Pourtant, quand on est jeune maman, tout le monde croit que monter sa boîte c’est un prétexte pour être mère au foyer. Il faut le faire comprendre à ses proches.
Ma mère avait peur pour moi aussi car ce n’est pas évident de quitter un CDI. Mais elle me soutient. Dans ma belle famille, il y a beaucoup d’entrepreneurs et dans la mienne des industriels. Mon mari a eu une TPE. Ca m’aide beaucoup. Ils savent que ça représente du travail. Je commence mes journées à 6h et finis à 23h pour travailler, donner le bain, manger avec les enfants… Ce n’est pas facile de s’organiser. Créer sa société, c’est une histoire qui engage toute la famille. C’est important d’en parler car on est vite seule.
J’ai commencé avec une page Facebook, maintenant un site, quelques magasins revendeurs, je participe à des salons… Je suis très contente que les choses se structurent. J’évolue progressivement en fonction de ce que je suis capable de faire. Ca s’adapte à ma vie et je ne suis pas débordée. On dit qu’il faut en général 3 ans pour savoir si l’on peut vivre de son activité. J’ai une approche de start-up artisanale, flexible et réactive car petite, j’espère que ça portera ses fruits.
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Christine Zalejski, fondatrice de « Cubes et petits pois »
J’étais docteur en sciences dans un grand centre de recherche français. A la naissance de mon premier bébé, j’ai arrêté de travailler car les déplacements étaient trop importants et je n’aurais pas pu voir grandir mon enfant. Mais, je ne voulais pas pour autant être une maman à la maison à temps plein. J’ai commencé à faire un blog de recettes pour bébé pour les partager avec mes amies aussi mamans. Puis, j’ai eu envie d’aller plus loin dans les conseils mais je ne trouvais nulle part des renseignements précis. Comme j’avais beaucoup de contacts dans le domaine médical, je les ai sollicités pour pouvoir délivrer une information de qualité. Mon blog fonctionnait très bien.
Il est devenu le premier site indépendant dédié à l’alimentation du bébé. La maison d’édition Larousse m’a alors contactée pour écrire un premier livre qui est devenu une référence. Devant ces résultats encourageants, j’ai décidé de monter mon entreprise en 2010 en proposant des ateliers cuisine et des conférences autour de l’alimentation du bébé. Mon problème : mettre un prix sur mon savoir. Pour moi, les connaissances ça se partageait gratuitement. Et je n’avais pas de modèle comparatif. Au début, il y avait une cinquantaine de parents, grands-parents, assistantes maternelles, pédiatres… qui assistaient à ces rendez-vous. Je restais 2 heures à la fin pour répondre aux questions de chacun ! Ca n’était pas gérable. J’ai dû changer d’approche. Maintenant, je restreins les participants et je me déplace beaucoup à domicile, à Paris et en proche banlieue, pour un échange plus personnalisé, c’est ce que j’aime.
« J’avais du mal à ne pas rendre de compte à qui que ce soit »
C’est dur de travailler pour soi. J’ai du apprendre à me poser des limites, à m’octroyer le droit d’être en week-end. Au début, je me justifiais auprès de mes lecteurs quand je tardais à écrire sur le blog. J’avais du mal à ne pas rendre de compte à qui que ce soit. On est formaté par les études, la société. Cette liberté a été difficile à prendre. De plus, le syndrome de l’imposteur m’a beaucoup freinée. Je me dévalorisais, malgré mes connaissances et mes compétences tout à fait justifiées. De plus, je suis très perfectionniste. J’ai été élevée avec le « tu fais parfaitement ou tu ne fais rien ». Entreprendre m’a permis d’évoluer personnellement et d’être mieux dans mes baskets.
Mon mari m’a soutenue dans mon activité car il a vu que je pouvais gérer mon emploi du temps, prendre soin des enfants et que je faisais quelque chose que j’aimais. On économisait sur les frais de garde. Mais en contrepartie, je travaillais pendant les siestes et en soirée. Mes enfants sont plus grands maintenant, ils ont toujours besoin de moi mais j’ai tout de même plus de temps pour développer mes activités. Pour ma famille, ça a été plus dur d’accepter qu’après un bac +13 et un poste d’ingénieur en recherche et développement, je divise mon salaire par deux. Ils pensaient que je faisais ça en attendant de reprendre un « vrai » travail. Mais ils m’ont soutenue dans ma logistique. Désormais, sur une année, je gagne bien, j’ai une meilleure qualité de vie et je fais ce que j’aime.
Je me suis rapprochée de réseaux de parents entrepreneurs puis de freelances. Un conseil ? Frapper aux portes pour avoir de l’aide et ne pas rester isolée, indépendante ne veut pas dire seule. Mais il faut aussi prendre le temps de se remettre en question, faire le bilan à la fois personnel et professionnel et se fixer tout le temps de nouveaux objectifs pour avancer.
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Anne-Marie Mecheri, co-fondatrice de l’ « International Wedding Institute »
Après mon master en Administration Economique et sociale, j’ai monté mon EURL de wedding planner dans les environs de Metz en 2005. A l’époque, ce n’était pas du tout connu en France. Ca fonctionnait bien mais je n’en tirais pas de salaire. J’ai alors travaillé en parallèle en CDD comme chargée de communication pour une intercommunalité. Ensuite, j’ai fermé mon entreprise en 2008 puis à la fin de mes CDD, j’ai été au chômage. Et enfin, j’ai lancé le blog « devenirweddingplanner.com » pour conseiller sur la création d’entreprise et le métier. Celui-ci marchait très bien. En janvier 2009, j’ai alors créé mon statut d’auto-entrepreneur afin d’organiser des séminaires sur ces thématiques. En juin, je suis tombée enceinte. Mon mari, chargé de recrutement, s’est trouvé au chômage à la même période. Nous avons eu l’idée de monter une école ensemble : l’International wedding institute.
J’ai profité de ma grossesse pour travailler sur le projet, faire le business plan… En février 2010, j’ai accouché et en septembre, on créait la SARL. Avec le recul, je me dis que je n’oserais pas le refaire ! Mais j’aime tenter des projets. Je me projette loin et je mets toutes les chances de mon côté pour que ça marche. Et puis, la demande est venue à nous. Ca a tout de suite fonctionné. Nous vivons à côté de Metz mais le projet n’aurait pas fonctionné ici alors nous avons lancé les formations sur Paris.
Je faisais les cours sur la création d’entreprise et des formateurs externes (en décoration, wedding planer…) venaient pour la partie métier. Au début, on louait une salle dans un centre d’affaires. En 2014, nous avons eu assez de crédibilité et de fonds pour louer les bâtiments de l’école. Depuis 2012, nous faisons aussi des formations à Lyon et Bruxelles. Cette année, on envisage d’en ouvrir une dans le Sud de la France et d’ici 2020 dans un pays anglophone.
Une organisation « sport »
C’est vrai qu’on parle de travail tout le temps à la maison car on a une ambition commune. Avec mon mari, nous nous sommes connus au lycée et on a fait le même parcours à la fac. On a l’habitude de tout faire ensemble. C’est une force ! On vit dans l’Est de la France. Notre vie est assez sport entre le travail, les déplacements et les enfants en bas âge (notre deuxième est né en 2016). Heureusement, nous avons de la famille qui nous aide. Et on a la chance de gérer notre temps.
C’est une liberté que je n’échangerais pour rien au monde ! Pour pouvoir nous organiser différemment et limiter mes déplacements, nous avons choisi de déléguer au maximum en étoffant l’équipe. Nous avons embauché une assistante commerciale en 2014 et une directrice adjointe en 2018. Le plus dur, c’est le moment charnière où l’on a trop de travail mais où on ne peut pas embaucher financièrement. Ca représente un gros enjeu pour une entreprise. Notre salaire s’en trouve amputé mais dans l’espoir d’atteindre un stade supérieur. Nos objectifs, c’est de développer ce qui fonctionne déjà et de ne pas s’asseoir sur nos acquis car la concurrence augmente.
Pour réussir, il faut croire en soi, en ses compétences et rejoindre des réseaux afin d’être bien entouré. Je viens d’ailleurs d’intégrer le réseau des mampreneures et suis responsable de la nouvelle antenne sur Metz pour aider d’autres femmes sur le chemin de l’entrepreneuriat.
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