Chrysoline de Gastines (Balzac Paris) : « il faut se nourrir de personnes meilleures que soi »

Balzac Paris, c’est la digital brand qui cartonne auprès des trentenaires connectées en quête d’une mode durable et désirable. Co-fondée en 2014 par Chrysoline de Gastines, la marque ambitionne d’atteindre un chiffre d’affaires record de 15 millions d’euros après une année d’hypercroissance. Portrait d’une entrepreneure de conviction.

Sa voix est douce et posée, son discours limpide et sans détours. Celle qui s’est promis de « ne jamais se perdre en chemin » mène sa barque avec confiance et assurance aux côtés de ses deux associés, Charles, son beau-frère, et Victorien, son mari. Contemporaine de Sézane, sa marque Balzac Paris fonctionne sur le même modèle économique puisqu’il s’agit d’une griffe digital native qui produit en séries courtes et propose régulièrement de nouvelles collections.

Une comparaison permanente avec le géant du secteur qui pourrait devenir pesante, mais face à laquelle Chrysoline de Gastines sait tirer son épingle du jeu en rappelant que sa production est 100% européenne, quand sa concurrente ne cache pas produire ses pièces en soie et une partie de ses mailles en Chine. Une différence aussi de style puisque « la femme Balzac est un tantinet plus street-wear, même si l’on retrouve aussi des codes très féminins ou que l’on emprunte des détails au vestiaire de l’enfance », résume-t-elle.

Mini Guide Leader

« Quand on veut, on peut »

Issue d’une fratrie de 4 sœurs, Chrysoline de Gastines a hérité de sa mère un goût pour la mode, et de son père, une sensibilité aux arts mais surtout, un mantra qui l’a accompagnée tout au long de sa vie : « quand on veut, on peut ». Résultat : les sisters de Gastines ont toute choisi de se lancer dans l’entrepreneuriat sans trop réfléchir, même si, elle le souligne, chacune avait des parachutes comme la négociation d’une rupture conventionnelle ou un conjoint sur qui s’appuyer. « Nos parents n’étaient pas entrepreneurs, mais ils nous ont toutes laissé la liberté de faire ce que l’on aimait. En revanche, la notion de travail et d’effort était essentielle au sein de la famille », se souvient-elle.

Autodidacte, Chrysoline s’est lancée dans la mode alors qu’elle envisageait au départ une carrière dans le journalisme, avant de devenir Community Manager au sein du Groupe Marie-Claire. Une expérience qui n’est sans doute pas étrangère au développement de sa stratégie 100% digitale dès 2014. « A l’époque, le métier de Community Manager était nouveau. J’ai appris à faire rayonner une marque et fédérer une communauté autour de valeurs. Il était donc clair que si je lançais ma société, je devais à tout prix lui donner une mission », explique-t-elle.

Des nœuds papillon à la mode femme

L’histoire Balzac débute tout d’abord par une marque de nœuds papillon lancée en parallèle de son job chez Marie-Claire. Confectionnés en France et sur-mesure, ils permettent à Chrysoline et ses associés de développer une grande proximité avec les clients. Au fur-et-à-mesure de cette aventure, la feuille de route du trio devient claire : lancer une marque de mode femme avec une logique éco-responsable forte. « Il ne s’agissait pas que d’un positionnement stratégique, mais aussi d’une forte conviction », martèle notre interlocutrice.

Commence alors la quête des fournisseurs en faisant la tournée de tous les ateliers parisiens. « On s’est vite rendu compte que l’étiquette made in France n’était pas toujours glorieuse. Les ateliers étaient sombres, on y parlait peu français, et on ne savait donc pas clairement si tout le monde était en règle », se souvient la fondatrice. Rapidement, les associés se tournent vers le Portugal, et notamment la région de Porto, qui bénéficie de savoir-faire séculaires dans l’industrie textile. « Avec ces partenaires avec qui nous travaillons toujours, nous pouvions grandir de manière saine et organique car ils ont accepté de produire des petites séries. Mais ils avaient aussi la capacité de produire à plus grande échelle. Ils ont tout de suite répondu à notre cahier des charges pour une mode durable et qualitative », analyse l’entrepreneure.

Toujours Plus Responsable

Aujourd’hui, 80% de la production est assurée au Portugal, et le restant se partage entre l’Espagne et l’Italie pour les accessoires, quelques productions en Europe de l’Est et des pièces phares produites en France, notamment à travers le projet TRICOLOR visant à remonter la filière lainière dans l’hexagone. Du côté des matières, le travail de sourcing est permanent avec l’utilisation du coton bio (100% des cotons seront bio d’ici l’été), de la viscose ecovero, du lin (très intéressant car peu consommateur en eau), du tencel ou encore du cuir de pomme. On note aussi l’arrivée de la nouvelle ligne réalisée en seaqual, une matière fabriquée à partir de plastiques récupérés dans les océans, et dont une partie des bénéfices sera reversée à l’association Surf Riders.

« Chez Balzac, nous ne prétendrons pas être parfaits, déjà parce que l’on vend un produit qui n’est pas vital au quotidien. En revanche, nous essayons d’offrir la mode la plus propre possible, et nous expliquons aussi à nos clientes pourquoi nous avons fait certains choix, et pourquoi nous les avons parfois abandonnés. Dans notre démarche, nous voulons vraiment proposer un vestiaire désirable, durable et fonctionnel. Nous essayons aussi de sensibiliser nos clientes à l’importance de l’entretien de leurs vêtements, car 30% de la durabilité d’un vêtement est liée à l’utilisation de son propriétaire », rappelle Chrysoline de Gastines. C’est aussi dans cette même démarche que Balzac Paris a lancé son site de seconde main.

« Rien à cacher »

A l’heure actuelle certaines marques ayant surfé sur la vague de l’éco-responsabilité et du Made in France se prennent un effet boomerang fracassant. Mais pas de quoi l’inquiéter. Quand on l’interroge donc sur les récentes polémiques autour du compte #balancetastartup, Chrysoline de Gastines se garde bien de porter un avis sur les startups dans la tourmente, rappelant que la présomption d’innocence prévaut dans le droit français. La fondatrice de Balzac Paris ne craint pas non plus un effet de green bashing, se sentant « droite dans ses bottes » et arguant « n’avoir rien à cacher ».

L‘internationalisation en ligne de mire

Avec une croissance de 100% par an depuis la création de la marque et 40 salariés au compteur, Balzac Paris n’a eu recours qu’à un seul tour de table en 2016 durant lequel des investisseurs minoritaires sont entrés au capital. « Avec cette levée de fonds, nous voulions nous entourer d’une équipe plus sénior que nous, mais aussi augmenter notre budget marketing et avoir de nouveaux bureaux », nous explique Chrysoline de Gastines. Désormais, le prochain objectif de la marque est d’ouvrir un flagship à Paris, puis de travailler sur l’international qui représente à ce jour 15% des ventes, avec des pays plus leaders comme l’Angleterre, la Suisse et la Belgique.

Le conseil de Chrysoline de Gastines aux aspirantes entrepreneures

« Je reprendrais la phrase de mon père : quand on veut, on peut. Je crois qu’il ne faut vraiment pas se mettre de barrières. Mais aussi ne pas hésiter à parler de son projet autour de soi car personne ne va nous le piquer si on a vraiment envie d’y aller et qu’on est prêt à se lancer. C’est vraiment important de se nourrir de personnes meilleures que soi dans des domaines précis. Bien s’entourer, c’est aussi trouver le bon associé si nécessaire, en fixant dès le départ les règles du jeu, notamment le pacte d’actionnaires afin d’avoir l’esprit plus libre par la suite. Enfin, je crois qu’il est vraiment indispensable de définir sa mission en tant qu’entrepreneur, et ce que l’on ne veut jamais lâcher en chemin. En établissant des valeurs d’entreprise très lisibles, cela facilite l’intégration des nouveaux éléments dans l’entreprise ».

Paulina Jonquères d’Oriola

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