Ces entreprises qui vont avoir un impact après la crise

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Si le Covid-19 est une période sombre pour beaucoup d’entreprises, certaines, au contraire, se révèlent ou confortent leur position avantageuse. Cette crise amène en tout cas son lot d’évolutions et incite à la réflexion. Eclairage avec le sociologue François-Xavier Dudouet et l’économiste Laurent Simula.

La crise sanitaire liée au covid-19 affecte considérablement l’économie. Selon les prévisions de l’Insee, elle devrait entrainer une baisse d’environ 10%  de l’activité en France. Une situation qui frappe de plein fouet les entreprises, notamment les petites ou celles déjà fragilisées qui n’auront pas les fonds propres ou les réserves nécessaires pour se relever. Par ailleurs, certains secteurs (accueil du public, hôtellerie, restauration, transports, spectacles…) sont plus touchés que d’autres.

On devrait donc assister à la disparition de certaines entreprises et enseignes ou à leur rachat selon Laurent Simula, professeur d’économie à l’Ecole Normale Supérieure de Lyon. « Traditionnellement, les crises favorisent la concentration des entreprises, ce qui se produira par exemple dans le transport aérien et maritime (y compris les croisiéristes), l’automobile pourtant déjà très concentrée, dans les chaines commerciales des grands centres commerciaux… Plus la pandémie durera plus le tissu d’entreprises sera bouleversé », analyse le spécialiste.

L’essor du numérique

Pour autant, d’autres secteurs se portent bien et pourraient même accroître encore leur impact. « Quelques entreprises bien adaptées à la situation pourront tirer leur épingle du jeu ; on peut penser notamment aux GAFAM (Google/Apple/ Facebook/ Amazon/Microsoft), mais également à certaines activités liées à la santé et à la protection contre le risque sanitaire ou au commerce alimentaire », confie l’économiste. Finalement, des domaines d’activités qui ont eu un rôle majeur pendant cette période et ont démontré toute leur utilité.
Ainsi, les outils numériques, par exemple, ont favorisé le travail à distance et permis de maintenir une certaine activité professionnelle malgré le confinement.  « Des outils comme Zoom ou Teams ont été plébiscités.

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Ils ont montré leur robustesse, leurs qualités mais aussi leurs limites. On a pu constater les faiblesses des outils alternatifs. C’est clairement une période propice pour les start-up dans l’informatique, les créateurs d’outils numériques, les agences de conseil en télétravail », déclare François-Xavier Dudouet, sociologue et politiste, chercheur au CNRS et directeur adjoint de l’Institut de recherche interdisciplinaire en sciences sociales (IRISSO). Preuve de son succès, depuis le 1er janvier 2020, le cours de l’action Zoom Vidéo Communications a ainsi augmenté de 119% !


Dans le domaine de la santé, en France, la start-up Doctolib a été largement sollicitée par les médecins pour des téléconsultations. Son PDG, Stanislas Niox-Chateau, affirmait ainsi à nos confrères du site Le quotidien du médecin que la part de consultation vidéo chez les médecins généralistes avait bondi de 4 à 18% du 14 au 17 mars et que le nombre de rendez-vous pris en téléconsultation avait été multiplié par 18 sur un mois. Le service accessible gratuitement pendant la crise pourrait bien faire des adeptes au-delà de cette période…

Réfléchir aux effets pervers

Selon le sociologue, le télétravail est un phénomène qui va se développer après cette crise. Les entreprises réticentes jusqu’alors ont vu qu’elles pouvaient malgré tout continuer de manager leurs équipes à distance et que le travail était fait. « Les entreprises ont constaté le gain financier phénoménal qu’elles pouvaient faire en adoptant le télétravail, certaines vont diminuer de 30% leurs locaux.

Pour les salariés, le télétravail permet de limiter les transports et donc de réduire la pollution, de mieux organiser son temps de travail et de loisirs mais il a aussi des effets pervers. Le travail sera plus découpé, individualisé. Le salaire sera plus un forfait par rapport à la quantité de travail produite, peu importe qu’il soit fait en journée ou entre 22h et 2h du matin. Ca brouille les frontières entre vie pro et perso, notamment pour les femmes qui assument souvent encore beaucoup de tâches domestiques.

Ca peut devenir un nouveau piège si on ne met pas de garde-fous », prévient le sociologue. Avant de foncer tête baissée, pour que l’impact soit positif, il faudra donc analyser la situation et instaurer des règles à même de préserver une certaine qualité de vie au travail.

Le boom de l’agro-alimentaire… et du bio

Pendant le confinement, la principale dépense des foyers a concerné l’alimentation. Les Drives et services de livraison se sont développé et ont trouvé leur public. A Paris, par exemple, Frichti, le service de livraison de produits frais, connait une augmentation de son chiffre d’affaires de 30 à 70%. Les Drive et services de livraison à domicile dont Uber Eats et Deliveroo sont pris d’assaut.


Autre évolution, certains supermarchés ont davantage fait appel aux producteurs locaux pour s’approvisionner en nourriture. Et le bio, lui, poursuit son ascension malgré la crise. Dans certains départements l’évolution des ventes bio a été de plus de 25% sur la semaine 13 (fin mars 2020), selon l’institut de mesure et d’analyse Nielsen.

« La crise sanitaire que nous traversons va remettre un fort focus sur les produits santé, comme on le constate déjà dans l’opinion publique en Asie, et pousser les distributeurs à aller encore plus loin dans l’assortiment de produits frais, pour répondre à une consommation accrue à domicile (moins de voyages, plus de télétravail, moindre fréquentation des restaurants) », déclare dans cette même étude Daniel Ducrocp, le directeur des Services à la distribution chez Nielsen.  

Le e-commerce, autre grand gagnant

Le e-commerce devrait poursuivre son ascension et bénéficier de ces nouvelles habitudes dues au confinement. Amazon a ainsi annoncé recruter 100 000 personnes aux Etats-Unis pour pouvoir répondre à l’augmentation de ses commandes, concernant notamment les produits sanitaires.
Les sites de e-commerces dédiés aux objets et vêtements d’occasion devraient également continuer de faire des émules. Vestiaire collective, le site de dépôt-vente de pièces de mode et luxe d’occasion, vient ainsi de faire une levée de fonds de 59 M d’€ pour poursuivre son expansion à l’international.

Par ailleurs, d’après un sondage mené par le cabinet McKinsey, 20% des consommateurs français pensent réduire leurs achats de vêtements à l’issue de la crise. Un choix qui peut s’expliquer pour des raisons budgétaires au vu du contexte économique difficile pour les ménages mais aussi pour des raisons écologiques afin d’éviter de surproduire.

Soutenir grâce à une vraie volonté politique

La question de la relocalisation des biens stratégiques (médicaments, masques, respirateurs…) s’est également imposée pendant la crise. On pourrait donc penser que les entreprises de ce secteur ont de beaux jours devant elles en France. Mais selon François-Xavier Dudouet, il y a une différence entre les leçons que les entreprises devraient tirer de cette crise et ce qu’elles font. « On pourrait s’attendre à une prise de conscience écologique, une réorganisation de la production au niveau local, une diversification des sources d’approvisionnement… Mais on n’a pas de signes dans ce sens.

La production de masques, par exemple, peut s’avérer très résiduelle et cesser si l’Etat ne soutient pas financièrement ces activités qui sont concurrencées par d’autres pays où le coût de production est moindre », ajoute le sociologue. Ainsi, ces entreprises qui pourraient potentiellement développer une activité utile pour la société devront faire l’objet d’une véritable volonté politique. « Certes, la prévention contre le risque sanitaire va devenir une nouvelle priorité. Mais évidemment elle aura un coût pour les finances publiques, les entreprises et les ménages. Chacun est-il prêt à accepter ce coût ? Dans un climat de défiance, chacun souhaitera que ce soit les autres qui le payent », ajoute de son côté Laurent Simula.


La sortie de cette crise aura donc des visages différents selon les décisions prises par chacun, à son niveau.

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