Après avoir travaillé en fonds d’investissement et mentoré de nombreux startuppers, Imène Maharzi vient de créer OwnYourCash, une plateforme aidant les femmes à prendre leur destin économique en main. Ouverte à toutes (et à tous !), elle vise notamment à former une nouvelle génération de Business Angels.
En France, 78% des femmes qui entreprennent se lancent avec leurs propres deniers ! Un accès au capital semé d’embûches qui s’explique non seulement par leur trop faible culture économique, mais qui s’enracine aussi dans l’inadéquation entre l’ambition affichée de leurs projets et les exigences des investisseurs (fonds d’investissement, business angels).
De plus en plus à forte dominante sociale et solidaire, les perspectives offertes par leurs sociétés ne parviennent pas à séduire. Bien que souvent moins risqués, leurs projets avancent de faibles marges aux investisseurs, d’autant plus que les femmes ont souvent tendance à sous-estimer leurs courbes de croissance. Dernier exemple en date : la jolie startup de tampons bio Jho qui nous confiait avoir tablé sur une croissance de 20% par mois, alors que cette dernière s’élève aujourd’hui à 80% !
« Un gâchis de potentiel »
C’est pourquoi les femmes lèvent en moyenne deux fois moins que les hommes, « un vrai gâchis de potentiel humain, économique et social », déplore Imène Maharzi. Cette franco-algérienne côtoie depuis de nombreuses années les porteuses et porteurs de projet, et constate que son échantillon reflète malheureusement la réalité. « Les femmes ne me sollicitent jamais pour les mêmes soucis. Jamais un homme ne m’aurait demandée de l’accompagner à la banque. Or, je me suis retrouvée dans des situations très caricaturales comme des déblocages de fonds refusés », se souvient-elle.
Et d’ajouter : « en France, nous avons la chance d’avoir obtenu l’égalité en droits, mais tout cela est illusoire si nous ne pouvons pas prendre notre portefeuille en main et choisir notre vie librement, financer nos formations, ou bien même assumer nos enfants en cas de divorce, quand on sait que les femmes perdent 20% de leur niveau de vie après une séparation ».
« On ne finance que les projets de femmes exceptionnelles »
Si les femmes peinent à accéder aux fonds, ce n’est certainement pas car elles sont moins compétentes. En moyenne, 1€ versé dans une entreprise dirigée par une femme mènera à 2,5 fois plus de rentabilité. Des chiffres émanant d’une récente étude du Boston Consulting Group, mais qu’Imène Maharzi invite à analyser sous une autre perspective. « Ce n’est pas que les femmes sont 2,5 fois plus intelligentes, c’est simplement qu’on ne va financer que les projets de femmes absolument exceptionnelles, quand un startupper moyen aura plus ses chances qu’une startuppeuse moyenne », résume-t-elle.

Un manque de culture économique
Imène Maharzi en est convaincue : pour reprendre en main leur destin économique, les femmes doivent pouvoir se former davantage. « En France, nous manquons globalement de culture économique, mais c’est encore plus vrai pour les femmes. Par exemple, il est important qu’une startuppeuse sache quelles sont les attentes d’un fonds d’investissement et celles d’un Business Angel. Et puis cette culture économique ne concerne pas que les startuppeuses, cela peut aussi servir tout simplement à renégocier un prêt immobilier. Avec OwnYourCash, je veux par exemple leur apprendre que le prix qu’elles doivent demander est celui à partir duquel on leur dit non », souligne-t-elle.
C’est aussi comprendre leur rapport à l’argent, un sujet souvent tabou et intime, car les femmes peinent à distinguer ce qui relève de la valeur de leur travail ou de leur valeur personnelle.
Seulement 10% de femmes Business Angels
Si Imène Maharzi souhaite ouvrir ses formations à toutes, son ambition première demeure de former 2000 Business Angels d’ici 2020. Actuellement, seulement 10% des Business Angels sont des femmes. « Or, celles-ci n’investissent pas spécialement dans des projets féminins, et c’est leur droit absolu. De notre côté, nous souhaitons que les personnes formées chez nous aient un œil bienveillant sur les projets féminins et à fort impact social. Investir, c’est porter un regard sur un projet, une équipe, un produit ou un marché, un timing et une capacité d’exécution », affirme-t-elle.
Pas besoin d’avoir des millions à investir
Et pour former cette nouvelle génération de Business Angel, Imène entend bien fédérer tous les talents : « de nombreuses femmes sont déjà des Business Angels sans le savoir ». Il n’y a pas besoin d’être millionnaire pour être Business Angel. Beaucoup de femmes apportent du capital social en ouvrant leur réseau, en transmettant les bons codes culturels. Tout cela a de la valeur, pourtant, ces femmes ne demandent souvent aucune contrepartie aux startups qu’elles accompagnent.
« Beaucoup sont heureuses d’apporter leur aide car c’est une façon pour elles de vivre une aventure entrepreneuriale par procuration. Pour d’autres, c’est une manière de faire de la veille sur un secteur qui les intéresse, et enfin certaines utilisent ces expériences comme des leviers de formation. Mais elles pourraient aussi capitaliser sur ces expériences en tant que membres de boards de startups pour intégrer par la suite des conseils d’administration plus conséquents ».
Se faire la main avec des petites sommes
A travers OwnYourCash, Imène Maharzi entend permettre à toutes ces femmes d’exercer leurs talents immédiatement, car « apprendre à investir passe aussi par la pratique, il faut se faire la main ». C’est pourquoi, en plus de la théorie, OwnYourCash invite ses abonné.e.s à se lancer dès que possible pour celles et ceux qui le souhaitent, avec de petits montants.
Problème : il faut savoir que les frais d’entrée dans une association de Business Angels peuvent être conséquents, ce qui peut rebuter les débutant.e.s. Aux côtés d’autres acteurs, OwnYourCash veut ainsi faciliter le processus en créant une association de Business Angels adossée à une plateforme de crowdfunding : ceci permettra ainsi aux Business Angels d’investir de tous petits montants et d’accéder directement aux dirigeants des startups en leur ouvrant des sièges aux boards, ce qui n’est pas habituel sur les plateformes de crowdfunding.
« Nous organiserons des live sessions avec les fondatrices de startups durant lesquelles chacune pourra poser ses questions, et apprendra de celles posées par les autres », insiste Imène.
Evidemment, cette association ciblera en priorité les dossiers fondés/co-fondés par des femmes.
Adepte de la stratégie des petits pas, Imène Maharzi entend faire évoluer les mentalités en douceur – et en profondeur – afin d’instiller une culture plus long-termiste. Ces formations seront accessibles en ligne et en présentiel, dans de nombreuses villes de France.
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@Paojdo
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