Aurélie Perruche, de l’A380 à MaSpatule.com

Elle a tout juste 30 ans et un sacré parcours d’entrepreneure derrière elle. Co-fondatrice de MaSpatule.com, un site de e-commerce dédié aux accessoires de cuisine, la jeune femme déborde d’énergie et multiplie les projets. Rencontre sans tabous avec une digne représentante de la génération Y !

« J’ai toujours préféré démonter des magnétoscopes »

Une mère directrice de banque, un père assureur : a priori, rien ne destinait Aurélie Perruche à embrasser cette destinée de serial entrepreneure. Celle qui a toujours préféré « démonter les magnétoscopes » plutôt que de « jouer à la poupée », s’est d’abord dirigée vers des études scientifiques, poussée par son entourage et ses professeurs. Elle intègre alors l’Ecole Centrale d’Electronique. A la rentrée, la jeune femme se souvient du « choc du premier amphi ».

Imaginez 300 garçons pour seulement 25 filles. Car la gent féminine se rue davantage vers les filières de biologie ou de chimie, que dans les rangs des futurs codeurs. Pour autant, cette rareté lui a plutôt valu de se faire « chouchouter », mais aussi d’apprendre à travailler dans des équipes masculines. « Nous n’avons pas tout à fait la même façon d’aborder les projets. Les hommes ont davantage tendance à travailler à la dernière minute, tandis que les femmes sont plus enclines à prendre le leadership dans l’organisation », illustre-t-elle.

« J’avais trop d’énergie à donner par rapport à ce que l’on pouvait en recevoir »

Depuis son plus jeune âge, Aurélie Perruche rêvait d’entrer à la NASA. Si elle n’a finalement pas atteint le cosmos (du moins pas encore !), elle a tout de même tutoyé la stratosphère lors de son stage de fin d’études chez Thales. A l’époque, elle travaille sur l’A380. Une expérience enrichissante et déterminante pour son avenir. « J’avais trop d’énergie à donner par rapport à ce que l’on pouvait en recevoir.

Mini Guide Entrepreneuriat

J’avais envie de donner mon avis, de m’investir, mais on me répétait que pour être chef de mission, il fallait au moins attendre 5 ans, puis 10 ans pour encore évoluer », se souvient-elle. A contrario, son implication en tant que vice-présidente du séminaire d’intégration de son école lui avait soufflé que l’entrepreneuriat pouvait constituer une voie d’épanouissement. Elle complète alors sa formation avec un master innovation et entrepreneuriat à l’ESCP.

Aurélie Perruche« Il faut savoir s’arrêter quand un projet ne fonctionne pas »

A la suite de cette formation, Aurélie Perruche se lance dans sa première aventure entrepreneuriale en 2009. Elle n’a que 24 ans. Avec Yvan Morales, son partenaire au sein de MaSpatule.com, elle fonde Likiwi. « Parti en Chine, mon associé a cherché une solution pour téléphoner à ses proches, sans que cela soit trop coûteux. Notre application consistait à visionner quelques minutes de publicité pour gagner des points à transformer en communication téléphonique », rapporte la jeune femme.

Aujourd’hui, la société existe toujours, mais les deux associés se sont concentrés sur leur nouveau projet entrepreneurial. « Il faut savoir s’arrêter quand un projet ne fonctionne pas. Avec Likiwi, nous n’avons pas atteint nos objectifs. Pour un entrepreneur qui considère son projet comme son bébé, il est tentant de continuer 6 mois, un an de plus. On se trouve toujours des excuses pour expliquer l’échec : c’est le marché, c’est la crise… mais il est essentiel de respecter les limites posées sous peine de perdre du temps et de l’argent.

C’est la vie, on échoue parfois pour X raisons, mais on en sort avec plein de nouvelles compétences. Par exemple, j’ai beaucoup appris en comptabilité, fiscalité », avance-t-elle. Aussi, Aurélie martèle que se lancer jeune est sans conteste un atout lorsqu’on n’a pas encore de contraintes familiales ou de prêts.

« Un associé, c’est pire qu’un mari ou une femme »

Aurélie Perruche décide alors de tracer sa route dans une autre direction avec MaSpatule.com, « une vraie bouffée d’air », mais toujours accompagnée d’Yvan Morales.  « Un associé, c’est pire qu’un mari ou une femme. On passe plus de temps avec lui. Il vaut mieux s’investir de la même façon sous peine que les relations deviennent très compliquées », estime-t-elle. C’est en voulant acheter des ustensiles de cuisine « colorés et sympas », qu’Aurélie se rend compte qu’il n’y a pas réellement de magasin leader dans le secteur. 2011 signe aussi l’avénement des émissions culinaires qui connaissent un franc succès, et qui ne se dément pas aujourd’hui encore.

Avec son associé, elle commence par aller voir ce qui se vend aux galeries Lafayette. « Au début, on fonctionnait vraiment en mode start-up. Quand nous avions une commande, nous achetions vite le produit en magasin pour l’envoyer, avant de le recevoir de notre fournisseur, et de le ramener au magasin pour nous faire rembourser ! », s’amuse-t-elle. Les deux acolytes contactent ensuite les marques et commencent à stocker les références dans le garage des parents d’Aurélie. En 2013, lorsque la période de Noël arrive avec son flot de 200 à 300 commandes par jour, tous deux décident d’externaliser la logistique.

Attirée par l’univers de la cuisine, Aurélie Perruche a eu le plaisir d’y rencontrer de sympathiques et authentiques interlocuteurs. « Comme nous étions jeunes, nos fournisseurs nous ont pris sous leur aile. Ils nous ont montré leurs usines, nous avons bénéficié de démonstrations de produits, de formations », illustre-t-elle. Aujourd’hui, la société emploie 5 personnes et compte pas moins de 5000 références.

MaSpatule.c« Reprendre une société en redressement judiciaire n’est pas facile »

En 2013, Aurélie et Yvan font face à une situation peu commune. Le fond historique de Kookit, une société concurrente placée en redressement judiciaire, les contacte pour leur proposer de relancer l’affaire. « Reprendre une société en redressement judiciaire n’est pas facile, mais il y avait là un challenge humain important car 9 personnes risquaient de perdre leur travail ».

Grâce à une levée de fond, ils remettent la société à flot, et décident de faire tourner les deux sites à travers une stratégie de groupe. « Nous vendons presque les mêmes produits, mais nous ne communiquons pas de la même façon. Kookit est grand public, contrairement à MaSpatule qui est davantage milieu et haut de gamme », explique-t-elle.

Cela implique donc des stratégies différentes sur les réseaux sociaux. Sur Facebook, la marque tente de faire participer au maximum sa communauté : « il s’agit moins de faire la promotion de produits que de partager une vidéo marrante ». Twitter leur permet plutôt de dialoguer avec des fans de cuisine, notamment lors de la diffusion des émissions type Top Chef. «Via les hashtags, nous papotons avec de potentiels clients.

Si par exemple ils rêvent de réaliser le même chocolat bien nappé, nous allons leur proposer une spatule pour lisser le glaçage ». Quant à Instagram, qui se prête facilement à l’univers du food, il s’agit davantage de poster des photos de plats réalisés par l’équipe.

« Embaucher son premier salarié est une grande fierté »

Lorsqu’on lui demande quelle est sa plus grande fierté, Aurélie Perruche confie qu’il s’agit de l’embauche de son premier salarié mais aussi du redressement de la société Kookit. « Nous avons réussi à garder deux salariés, dont une qui travaillait depuis toujours dans l’entreprise », confie-t-elle. Maintenant que ses deux sociétés sont bien lancées, Aurélie se consacre à la stratégie du groupe, rencontre des blogueurs, des chefs, écume les salons en quête de nouveautés.

Où se voit-elle dans 10 ans ? « J’espère que notre site MaSpatule.com sera devenu une multinationale. Aujourd’hui, nous cherchons à nous développer à l’étranger, en Europe et pourquoi pas aux Etats-Unis », lance-t-elle. Avec 2 millions de chiffre d’affaires, sa petite entreprise ne connait pas la crise. Souhaitons-lui bon vent !

@Paojdo

Photo : Christophe Pouget

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