Rencontre avec Apollonia Poilâne : son histoire familiale

Rencontre avec Apollonia Poilâne

Arrivée à la tête de la célèbre maison éponyme dans un contexte difficile, après le décès de ses parents. Apollonia Poilâne, fille et petite fille de boulangers connus dans le monde entier, a su se faire sa place et pérenniser l’entreprise artisanale de ses aïeux.

Depuis onze ans vous dirigez l’entreprise familiale, comment avez-vous fait votre place ?

J’ai toujours connu la boutique, le fournil. J’y ai passé toute mon enfance et très tôt j’ai su que je voulais reprendre l’entreprise familiale, ce qui est je pense une chance. Quand mes parents ont disparu, je venais d’avoir mon bac et au lieu de descendre travailler au fournil, je suis montée dans le bureau de mon père. Je me suis sentie très rapidement à l’aise dans mes nouveaux habits car nous fonctionnons de manière familiale avec les compagnons qui travaillaient avec mon père,

Comment dirige t-on 200 personnes au quotidien quand on est une jeune femme qui débute ?

Je me suis toujours dit qu’il fallait passer les obstacles et continuer à avancer, et c’est ce que je fais depuis onze. Quand j’ai pris la tête de l’entreprise j’ai essayé de m’adapter aux situations quand elles se présentaient à moi. J’ai par exemple suivi un cursus universitaire à Harvard aux Etats Unis, pendant quatre ans, en parallèle de la reprise de l’entreprise.

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Comment avez vous pu faire les deux ?

Je me suis adaptée. Je revenais régulièrement en France et organisais mes journées en fonction du décalage horaire pour faire le point avec mon maître boulanger avant d’aller me coucher quand c’était le petit jour à Paris. La capacité d’adaptation, c’est un peu ma marque de fabrique.

Quelles sont les valeurs que vous souhaitez transmettre au travers de votre marque, de votre pain ?

Des valeurs familiales. J’ai la volonté de faire du pain de façon simple, avec une qualité constante, pour nourrir. Nous faisons par exemple toujours reposer une miche six heures et chaque fournée se nourrit du levain de la précédente.

La notion de tradition est donc très présente chez vous ?

Notre histoire est ancienne et familiale, comme mon père je mets en œuvre ce que j’appelle la “Rétro-innovation”. C’est-à-dire que j’aime à prendre le meilleur du passé et le meilleur du présent pour aller de l’avant. Rien n’est complètement mauvais dans l’innovation et rien non plus dans le passé, il s’agit simplement d’allier le meilleur des deux. Il existe certes des machines qui permettent de faire du pain sans le laisser reposer six heures mais cela se fait au détriment de la qualité. Mon but est de préserver et de pérenniser ce qui est notre marque de fabrique : la qualité constante et le goût de nos pains.

Comment arrivez vous à maintenir Tradition et exportation mondiale ?

Mon père fût à l’origine du projet qui nous permet de distribuer notre pain aux quatre coins du monde. Nos célèbres miches sont fabriquées à Bièvres dans notre manufacture qui comptent vingt quatre fours. Par ailleurs, nous formons nos compagnons à la manufacture pendant neuf mois, toujours selon les même techniques. C’est ce qui nous permet d’avoir une constance en terme de goût et de qualité depuis 1932 et les débuts de mon grand-père. Notre pain a toujours le même goût et la même grigne.

Comment voyez-vous l’avenir Apollonia Poilâne ?

Ma volonté, comme celle de ma sœur, est de ne pas s’étendre de manière outrancière à l’étranger, car nous sommes encore jeunes dans notre développement et voulons prendre le temps de bien faire les choses. En novembre 2011, nous avons ouvert une seconde boutique à Londres, onze après celle que mon père avait inauguré car il avait senti que cette ville devenait le cœur d’un renouveau gastronomique en Europe et qu’il fallait y être présent. Aujourd’hui le pain Poilâne est présent dans la plupart des grandes villes dans le monde. Nous allons continuer à nous développer mais de manière humaine et familiale.

En plus de travailler avec vous sur la stratégie de l’entreprise, votre sœur est artiste. C’est aussi une marque de fabrique familiale, ce goût pour les Arts ?

L’association de notre marque avec l’art date de mon grand-père qui, en s’installant rue du Cherche Midi dans le 6è arrondissement de Paris, s’est lié avec les artistes du quartier. Il a commencé à faire du troc en donnant du pain contre des œuvres d’art. De là est né un terreau familial. Mon père a collaboré avec de nombreux artistes comme Salvador Dali ou Man Ray pour créer des œuvres d’art en pâte à pain. Dans l’arrière-boutique rue du Cherche Midi, nous refaisons régulièrement le chandelier que mon père et Dali ont créé dans les années 70. Le pain est un médium d’art et nous perpétuons cette tradition, avec le ‘P’ qui est notre grigne et nos miches décorées selon la saison de pâte à pain.

Quel est votre définition du Pain ?

Le pain c’est toute ma vie, je mange pain, je dors pain, je vis pain, c’est un art de vivre !

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