Acting with Power de Deborah Gruenfeld redéfinit le pouvoir et son utilisation

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Deborah Gruenfeld, professeure de business à Stanford, combine 25 ans de recherche en psychologie sociale et son expérience personnelle pour révéler le secret du concept de pouvoir : nous en avons tous plus que ce que nous réalisons et ce qui compte, c'est ce que nous en faisons.

« Le pouvoir attire et repousse. Le pouvoir crée et détruit. Le pouvoir ouvre des portes et les ferme. Le pouvoir explique qui va à la guerre, pourquoi il y a la paix et pourquoi nous nous battons. Le pouvoir dicte comment nous vivons et sous quelles lois, qui a un avantage matériel et qui n’en a pas. » C’est avec ces lignes que Deborah Gruenfeld, professeure à l’université Stanford, commence son livre Acting With Power dans lequel elle dévoile une vision très perspicace et fascinante de la vraie nature du pouvoir. 

Ce livre contient une réflexion inédite sur le pouvoir et sur la façon dont nous pouvons l’exploiter en utilisant des techniques de performance empruntées aux acteurs. Et si, au lieu de nous préoccuper d’obtenir plus de pouvoir, nous nous concentrions sur une meilleure utilisation du pouvoir que nous avons déjà ?

Ce que le pouvoir est et ce qu’il n’est pas

Guide Dev Persot

Dans le premier chapitre, l’auteure déconstruit les idées reçues sur la notion de pouvoir en citant plusieurs mythes puis en présentant une vérité qui contredit chacun d’entre eux. Par exemple elle présente le mythe qui définit le pouvoir comme quelque chose de personnel, d’individuel, quelque chose qu’on aurait en nous et qu’on ne pourrait acquérir ou perdre. L’auteure rectifie en rappelant que le pouvoir est en fait social et qu’il vit et meurt en fonction du contexte dans lequel nous nous trouvons. Autre mythe : le pouvoir serait lié au statut ou à l’autorité. En fait, Deborah Gruenfeld fait remarquer que nous avons tous plus de pouvoir que nous le pensons et ce, indépendamment de notre statut. Pour la professeure, le pouvoir est intrinsèquement lié aux besoins des autres et il fait partie d’un contrat social.

Il n’y a pas que les acteurs qui se mettent en scène

Deborah Gruenfeld base son livre sur l’idée que les acteurs ne sont pas les seuls à jouer des rôles pour gagner leur vie. Comme les acteurs, nous faisons tous des choix sur la façon d’utiliser le pouvoir qui vient avec le contexte socio-culturel dans lequel nous évoluons. Nous n’avons pas toujours les rôles que nous désirons ou ceux que nous nous sentons prêts à jouer. Certains d’entre nous luttent pour être pris plus au sérieux, tandis que d’autres ont du mal à rester en retrait et à céder la vedette. Certains d’entre nous sont habitués à entendre que nous sommes trop agressifs, tandis que d’autres se font constamment dire que nous sommes trop gentils.

 Le livre nous donne des pistes pour apprendre à être la meilleure version de nous-mêmes dans n’importe quel rôle et dans n’importe quel contexte en utilisant à la fois le pouvoir de manière explicite et voyante mais aussi en sachant l’utiliser de manière plus silencieuse et mesurée (savoir se retirer, oser demander de l’aide, avoir de l’autodérision…) Deborah Gruenfeld montre comment nous pouvons tous devenir plus à l’aise avec le pouvoir en adoptant l’état d’esprit d’un acteur.

Les abus de pouvoir selon Deborah Gruenfeld 

L’auteure nous offre aussi des pistes pour déceler et comprendre les abus de pouvoir tels que le harcèlement moral ou sexuel, problématique qui touche particulièrement les femmes, et nous explique comment les confronter en nous donnant des conseils pour éviter d’utiliser la victimisation comme unique échappatoire. Selon elle, « lorsque les gens envisagent le pouvoir comme une fin en soi, parce qu’ils veulent paraître, se sentir et être plus puissants, les résultats sont tout à fait prévisibles. Le fait d’exercer le pouvoir sans s’engager réellement à jouer un rôle ou à résoudre les problèmes des autres mène obligatoirement à des abus de pouvoir et de la corruption. »

Elle évoque donc les effets négatifs que le pouvoir peut avoir sur nos comportements (désinhibition, objectification, croire que tout nous est dû), plusieurs types de comportements abusifs (le tyran, le mégalomane, le Don Juan) et les différentes techniques à adopter pour leur faire face (reconnaitre les signes avant-coureurs, ne pas se laisser prendre au piège, poser des limites émotionnelles …)

Les normes de genre et le pouvoir

Deborah Gruenfeld nous apprend que, malgré ce que l’on a tendance à croire, les femmes et les hommes ne sont pas si différents quand il s’agit de leur relation au pouvoir. Selon un programme de recherche mené par le psychologue David Winter, le besoin de pouvoir n’est pas plus grand chez les hommes que chez les femmes. Le problème est qu’elles sont jugées différemment si elles l’admettent. « Dans notre culture, les rapports de genre impliquent que les hommes sont censés s’intéresser davantage au pouvoir que les femmes », explique l’auteure. « Ainsi, lorsque les hommes sont attirés par le pouvoir, ils font ce qu’ils sont censés faire. Cependant, les femmes qui sont attirées par le pouvoir ont tendance à être jugées négativement et considérées avec méfiance. Les femmes sont donc souvent réticentes à montrer qu’elles s’intéressent au pouvoir. »

Concernant l’utilisation du pouvoir, la psychologue rappelle que « les filles et les femmes sont socialisées comme devant être des personnes qui prennent soin des autres et devant jouer le rôle de soignante dans la plupart des cultures » ce qui explique donc « que de nombreuses études constatent que les femmes, en moyenne, utilisent le pouvoir de manière plus responsable et sont moins sujettes à la corruption que les hommes. » Les femmes semblent aussi être plus concernées par le besoin d’empêcher les rapports de domination et les abus de pouvoir plutôt que de vouloir se hisser au-dessus des autres. Cela expliquerait pourquoi « les femmes dirigeantes ont tendance à utiliser le pouvoir de manière légèrement plus démocratique que les hommes » et à tenir moins à la mise en place d’une hiérarchie fixe. 

Vers un leadership basé sur le concept de bienfaisance

Dans nos sociétés patriarcales, « le comportement masculin est défini par la domination » et la domination définit le pouvoir et le leadership. C’est pourquoi « nous n’attribuons pas aussi régulièrement aux femmes des qualités de leader. » Pourtant, comme le rappelle Deborah Gruenfeld, le leadership défini par la domination n’est pas toujours synonyme d’efficacitéL’auteure propose alors de partir du concept théorique de la bienfaisance qu’elle définit comme la capacité d’une personne à mettre le pouvoir qu’elle possède au service de ceux qui en ont moins. Cela permettrait de développer un nouveau type de leadership plus bienveillant, alliant engagement, maturité et esprit de groupe. Dans ce cas de figure, les normes de genre pourraient cette fois-ci jouer « en faveur » des femmes et pourraient permettre à différents types d’hommes d’être mis en avant. 

Finalement, nous savons tous à quoi ressemble une mauvaise utilisation du pouvoir et ce livre nous explique comment éviter cela.  « Lorsque nous partons du principe […] qu’on ne peut faire confiance à personne et que nous sommes seuls au monde, nous utilisons le pouvoir de manière défensive, pour nous protéger. Lorsque nous agissons par peur, nous créons le monde dont nous avons peur. Mais lorsque nous agissons avec espoir, en supposant, comme je le pense, que les autres sont fondamentalement bons et attentionnés, nous utilisons le pouvoir avec générosité, nous faisons passer les autres en premier et nous créons une base de confiance qui rend logique le fait que les autres fassent de même. Pour moi, c’est à cela que sert le pouvoir », conclut Deborah Gruenfeld. 

Amélie Tresfels

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