Le secret des performants : « Kim Kardashian est 100 fois plus intelligente que nous ! »

Performants

Docteure en psychologie et chercheuse en neurosciences, Fanny Nusbaum est co-auteure du best-seller Philo-cognitifs. Elle revient aujourd’hui avec un nouvel ouvrage « Le secret des performants » (Odile Jacob) dans lequel elle questionne la notion d’intelligence. Interview avec une personnalité tranchée !

Les performants, comme les footballers par exemple, ne sont pas ceux que l’on qualifie d’emblée d’intelligents. Mais ce que vous avez découvert à travers ce livre, c’est qu’il est nécessaire de donner une nouvelle définition à cette notion ?

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Fanny Nusbaum :  Effectivement, l’intelligence ne se situe pas dans les fonctions de raisonnement comme on peut les évaluer à travers les tests de QI. L’intelligence est un état qui permet de révéler ses capacités. On peut le trouver quand on est en compétence, et surtout en performance, qui est selon moi l’état le plus élevé de l’intelligence.

En France, les performants ne sont pas non plus toujours très appréciés. Par exemple, Kim Kardashian n’est pas considérée comme intelligente par les défenseurs de la pensée raisonnante. Alors que pour vous, c’est l’exact inverse ?

Fanny Nusbaum :  On dit de Kim Kardashian qu’elle est bête et n’élève pas l’homme. Mais je pense qu’elle est 100 fois plus intelligente que nous tous réunis. Chez nous, l’intelligent n’est que penseur. Mais comme je le disais plus haut, l’intelligence est avant tout un état. Cela nous amène à deux questions. 1) Ne voit-on pas de mauvaises choses chez les performants seulement car ils sont dans la lumière ? 2) Est ce que tous les performants sont des vilains méchants ? Évidemment que non !

Pour être performant, vous insistez sur l’importance d’être en phase avec son écosystème. Que voulez-vous dire exactement ?

Fanny Nusbaum :  Dans l’état d’intelligence, il existe trois sous-états qui forment une sorte de gradation.

Dans le premier état, on est en « antiphase » par rapport à son environnement. C’est-à-dire que l’on est décalés, en retard ou en avance. On est dans une posture négative de rébellion, de rejet, on ne se sent pas intégré. Même si on a un QI très élevé, ou que l’on est philo-cognitif (c’est-à-dire que l’on a une grosse appétence pour la pensée), on n’est pas en intelligence, car en désaccord avec son écosystème.

Le second état est intermédiaire, on est en « compétence », et en phase avec son environnement. On ne va pas forcément faire des choses extraordinaires, mais répondre à ce que l’on attend de nous. Cela vaut aussi bien pour un plombier, un enseignant, qu’un enfant qui va dire « bonjour madame ».

Le troisième état est ce que j’appelle le graal, il s’agit de la « performance », où on entre en résonnance avec son environnement. Pour l’illustrer, je le compare aux mouvements de la balançoire. Quand les pieds commencent à toucher le ciel, on sent une excitation. On n’a plus besoin de pousser très fort car on a accumulé suffisamment de puissance et d’énergie pour que le système déroule tout seul. C’est ça l’état de performance !

Une fois atteint, l’état de performance demande finalement moins d’efforts ? Peut-on donc être paresseux et performant ?

Fanny Nusbaum :  Oui et non ! Pour entrer en performance, il faut d’abord être en compétence, ce qui demande un travail important, qu’on soit sportif ou scientifique. Pour reprendre la métaphore de la balançoire, le système n’est pas encore optimisé alors il faut encore pousser pour réinjecter de la puissance à chaque fois. Tous les performants que j’ai rencontrés sont de gros bosseurs.  Par contre, à la différence de ceux qui restent dans la compétence, ils ont passé un cap. C’est pour cela que je les ai appelés les esprits paresseux. C’est un terme que j’ai emprunté à Daniel Kahneman, Prix Nobel d’économie. Il explique que la pensée est à 2 vitesses. Le système 1 est rapide, instinctif et émotionnel, tandis que le système 2 est plus lent, plus réfléchi et plus logique. Daniel Kahneman explique que nous croyons penser de manière rationnelle en actionnant notre système 2 alors que nous utilisons très souvent notre système 1 car notre esprit est paresseux.

Je prends le contre-pied en disant que nous cherchons justement trop à raisonner, comme si c’était une fin en soi. Mais le raisonnement n’est qu’un outil. Le performant est celui qui a raisonné suffisamment pour être désormais capable de dérouler et déclencher plus rapidement. Il est en quelque sorte en pilote automatique. Il fonctionne à l’instinct. C’est à ce moment-là que l’on peut dire qu’il est paresseux.

Fanny Nusbaum

Vous avez interviewé des performants aux parcours très variés (sportif de haut niveau, avocat d’affaires, photographe, PDG…) : quel est leur dénominateur commun ?

Fanny Nusbaum :  Ils ont tous en commun une énergie, un état de conscience supérieur et une autonomie émotionnelle.

L’énergie est ce qui leur permet de déclencher très vite.

Leur conscience totale leur offre la possibilité d’être à la fois à l’écoute de leur intériorité, mais aussi de capter les signaux extérieurs. Beaucoup de mes interviewés parlaient de connexion à l’univers. A l’inverse, la pensée algorithmique, linéaire et analytique privilégie une conscience sélective.

Leur autonomie émotionnelle leur permet enfin de ne pas changer de cap. Ils sont dans un tel état d’effervescence qu’ils amènent le système à entrer dans leur sillage et les porter.

Les performants sont donc des personnes qui sont dans un état de conscience modifié ? Vous parlez ici d’intuition ?

Fanny Nusbaum :  On pourrait aussi l’appeler état d’hypnose. C’est ce que François Roustang appelait l’état de perceptude. D’un coup, on perçoit tout, on ressent les choses plutôt que les raisonner. En réalité, 80 à 90% de notre activité cérébrale est inconsciente. Notre cerveau construit ses propres statistiques personnelles à partir de nos expériences. C’est le système 1 dont on parlait. C’est celui qui permet d’actionner une pensée rapide. Les performants font confiance à leur système 1, à leurs statistiques personnelles. Ils écoutent leur intuition, et confient que cela leur réussit dans la plupart des cas.

Vous dîtes aussi que les performants sont ceux qui sont capables d’oublier. Comme un joueur de tennis qui met de côté le dernier point qu’il a perdu ?

Fanny Nusbaum :  Exactement. 80 à 90% des gens ne savent pas tourner la page. Souvenez-vous de vos dernières performances : vous ne vous êtes pas focalisée sur ce que vous aviez mal fait, et ça s’est bien passé.

Le second sens, c’est qu’il faut être capable d’oublier le rationnel pour sauter du haut de la falaise. On en revient à cette idée de déclencher plus tôt. Ce n’est pas que les performants ne raisonnent pas, mais ils se sentent plus vite prêts que les autres. Ils oublient le processus. A l‘inverse, une personne qui n’est pas en performance va se dire que tout doit être parfait avant de se lancer. C’est comme si vous pensez au processus vous permettant de parler, en même temps que vous parlez : vous allez bégayer !

Quels sont vos conseils pour gagner en performance ?

Fanny Nusbaum :  De ne pas écouter sa raison ! A un moment, je crois qu’il faut avoir confiance en son instinct et cesser de tergiverser. Une autre astuce que je donne souvent pour apprendre à avoir une pensée plus rapide, c’est d’écouter des livres audio en accéléré. La première fois que j’ai fait ça, je n’ai rien compris durant les premières minutes,  mais maintenant, quand j’écoute un livre audio à une vitesse normale, j’ai l’impression que la personne a une diction terrible. C’est comme pour la lecture rapide : le truc, c’est de ne pas faire d’allers-retours sur les mots. Les meilleurs lecteurs sont ceux qui ne s’arrêtent pas. Le mot de la fin serait donc de ne jamais revenir en arrière.

Propos recueillis par Paulina Jonquères d’Oriola

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