“Je te réponds… moi non plus” ou l’art de la communication digitale

À l’occasion de la sortie de son troisième livre “Je te réponds, moi non plus” ( Ed Flammarion), Malene Rydahl nous parle du phénomène de la non-réponse dans le contexte de la communication digitale.

Pourquoi pensez-vous que le sujet de la non-réponse est peu abordé ? Est-ce qu’on a honte d’en parler parce qu’on se sent seule face à ce problème ? 

Il y a eu deux ou trois articles dans des médias internationaux qui en ont un peu parlé et le concept de ghosting a aussi été traité en lien avec les applications de rencontre mais un sondage sur la non-réponse, non, ça n’avait jamais été fait. Je pense qu’on est arrivé à un moment, surtout depuis la crise du coronavirus, où les relations sont devenues de plus en plus digitales et on a donc vraiment besoin de nettoyer et mettre de l’ordre dans tout cela. Il faut créer des repères. 

En effet je pense qu’il y a aussi un lien avec un sentiment de honte et de gêne. Dans le sondage que j’ai réalisé, beaucoup de gens ont répondu que la non-réponse ne les affectait jamais. C’est pour moi une forme de déni car on sait bien que ce n’est pas le cas mais avouer cela impliquerait de parler de sa confiance en soi et de ses émotions ce qui est difficile à faire pour beaucoup de gens.

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Quel est le lien entre le sujet de la non-réponse et vos autres livres qui traitent du bonheur ?

Selon plusieurs études que je cite dans mon livre, l’élément qui a le plus d’influence sur notre bonheur et notre bien-être c’est la qualité de nos relations. La communication à l’ère digitale vient perturber cela parce qu’elle crée beaucoup de malentendus vu que nous ne sommes pas organisés et qu’il n’y a pas de règles. Si la non-réponse a toujours existé, c’est la multiplication de ces non-réponses aujourd’hui qui crée des conséquences négatives telles que les conflits dans les relations, l’incompréhension, le mal-être et la frustration. Donc oui la non-réponse influe au quotidien sur notre bien-être, ce qui lie directement ce sujet à mes autres livres. 

Je te réponds... moi non plus

Comment ce livre peut-il aider les gens ? 

J’ai envie d’apaiser les gens, de leur donner de la tranquillité d’esprit, de la clarté et de la lucidité. Mais j’ai aussi envie de les responsabiliser et de leur montrer quel effet ils peuvent avoir sur les gens, de leur montrer que quand ils ne répondent pas les gens les trouvent arrogants, prétentieux, mal-élevés et mal-organisés. Cela ne veut pas dire qu’il faille répondre à tout pour avoir une bonne image mais il faut être conscient que la communication marche à double sens. Le livre est aussi une excuse pour aborder quelque chose d’un peu gênant, tourner un sujet « touchy » en une discussion quasi philosophique avec des proches. On peut comparer les profils des uns et des autres, faire des blagues à ce sujet pour amener la conversation sur la table. 

Comment fait-on pour gérer une non-réponse qui nous affecte émotionnellement ? Est-ce finalement une question d’ego ? 

Une non-réponse nous fait imaginer nos pires cauchemars. Dans les relations amoureuses, en particulier, cela influe beaucoup sur notre confiance en nous et fait ressortir notre besoin d’être validé. On est dur avec soi-même et avec l’autre. Il faut vraiment essayer de comprendre quel est le système de réponse de l’autre et ne pas se baser seulement sur nos propres attentes.  De plus, il faut réaliser que la charge mentale est telle aujourd’hui compte-tenu du nombres de messages qu’on reçoit que la raison d’une non-réponse est rarement personnelle. Dans l’ensemble, il faut prendre du recul, se demander si son mail ou son message est uniquement centré sur ses propres intérêts ou si son interlocuteur peut en tirer quelque chose aussi. 

Pourriez-vous revenir sur les quatre profils de « répondeurs » que vous décrivez dans votre livre?

Il y a les répondeurs stressés, les répondeurs cools, les non-répondeurs cools et les non-répondeurs stressés. Il faut savoir se définir soi-même en tant que répondeur et ne pas hésiter à le communiquer. Personne ne doit juger si un “répondeur cool” est plus respectueux qu’un “non-répondeur stressé”. La plupart du temps par exemple, ceux qui ne répondent pas aux petits messages du quotidien sont en fait des amis très introvertis qui nous prouvent leur amour dans la vraie vie mais qui n’aiment juste pas communiquer par message. On ne peut pas changer la personnalité des gens, l’important c’est d’annoncer la couleur.  

Vous parlez des messages vocaux qui facilitent la communication et sont très en vogue actuellement. Est-ce que cette nouvelle manière de communiquer diminue les cas de non-réponse? Finalement est-ce l’écrit spécifiquement qui pousse à la non-réponse ?

Les messages vocaux permettent les nuances (tonalité, possibilité de revenir sur quelque chose que l’on a dit). Il y a quelque chose de plus imposant avec l’écrit surtout que les messages restent. On veut tellement écrire le message parfait qu’on se perd dans nos réflexions et on se bloque. On donne beaucoup d’importance aux messages écrits, on réfléchit beaucoup aux mots  et aux formulations qu’on veut utiliser. On peut être plus exigeant avec soi-même et les autres à l’écrit.

La non-réponse en temps de confinement était encore plus mal vue dû à notre supposée disponibilité constante. Comment réussir à déconnecter dans un monde hyper-connecté ? 

Il faut être clair avec soi-même, se demander comment on fonctionne et comment on veut fonctionner. Si c’est clair pour moi, c’est clair aussi pour les autres. Il faut aussi s’autoriser à ne pas répondre à certains messages surtout sur le plan professionnel. Dans les échanges personnels, il faut quand même essayer au maximum de ne pas laisser les gens sans réponse par exemple en envoyant le petit mot qui fait plaisir même si ce n’est pas grand-chose, en réagissant aux photos de vacances que notre amie nous envoie.  

Mais on peut aussi simplement faire savoir à notre interlocuteur qu’on aura besoin d’un peu de temps pour répondre. Souvent cela dépend aussi de combien de conversations on lance nous-mêmes. Si on envoie des messages toute la journée, il faut s’attendre à en recevoir autant. 

Quel est votre routine digitale pour vous déconnecter ? 

Je ne réponds pas le soir, je ne réponds pas à table et je réponds plutôt par mail. Je me limite à une réponse pour les gens que je ne connais pas qui m’écrivent sur LinkedIn. Je ne peux pas entretenir des conversations avec des inconnus! Comme c’est clair pour moi, je ne culpabilise pas donc c’est agréable. Si je pouvais n’avoir que mon email ça m’irait. Je centralise toutes les demandes par email ce qui crée un tri formidable puisque la moitié des gens ne renvoient pas leur demande par email. 

Ce que j’ai surtout appris c’est de dire la vérité, savoir dire non même si c’est dur car au moins c’est clair pour les gens quand bien même certains ont tendance à se vexer. Il  vaut mieux être clair dès le départ car le coût du « non » augmente avec le temps. C’est pour cela qu’un « oui mais », qui est souvent un « non » déguisé, fait généralement plus de mal qu’un « non » direct et franc. 

Vous parlez à la fin de votre propre système de réponse. Que prendre en compte dans un système de réponse ? Comment savoir décrire le nôtre?

Il faut vraiment essayer d’aider les autres à nous comprendre et essayer d’avoir de l’empathie. Plus on est clair avec soi-même plus on est clair avec les autres, mieux ça se passe. Il faut se demander quelle est notre application préférée. Par exemple moi je centre tout sur mes mails pour le professionnel et avec mes amis c’est WhatsApp et sms. Il faut penser aussi aux horaires, au moment de la journée ou l’on veut être déconnecté. À table, par exemple, je ne réponds pas et je le dis à mon entourage. Il faut vraiment être clair et arriver à notre pas être dans la charge mentale et la culpabilité.

Pour vous la réponse ou la non-réponse n’ont pas de valeur morale ? Mais le ghosting par exemple, ne serait-il pas quand même une pratique critiquable ?

Le ghosting est vraiment la version la plus violente de la non-réponse. Mais comme dans tous les autres cas de figure, ce n’est pas quelque chose qu’il faut prendre personnellement. Les gens qui nous ghostent, ghostent aussi d’autres personnes et c’est en fait leur manière de gérer leurs relations. C’est à nouveau quelque chose qui n’est pas visé contre nous en particulier, c’est plutôt une manière lâche de terminer une relation. Cela traduit en fait une incapacité à communiquer. 

Quels sont les conseils que vous donneriez pour écrire un mail ou un message auquel l’interlocuteur aura envie de répondre ? 

Il faut prendre en compte le ton et la nature de la relation avec notre interlocuteur. Mais le vrai conseil c’est l’empathie car il faut apprendre à se mettre à la place de l’autre, celui ou celle qui va recevoir notre message. Pour un mail professionnel, il faut qu’il soit court, clair avec idéalement une seule question et avec un ton adapté. Si on peut personnaliser le message c’est encore mieux. Pour nos amis c’est pareil, il faut penser au contenu de ce qu’on envoie. 

Si on fait une demande un peu gênante ou qui va mettre mal à l’aise la personne il faut le mentionner, il faut ouvrir la possibilité d’une réponse négative pour déculpabiliser l’autre, lui faciliter la tâche. Finalement cela augmente nos chances de recevoir une réponse même si c’est un non. Il faut respecter le fait que la personne peut avoir besoin de temps pour réfléchir et faire comprendre à la personne qu’elle ne doit pas être gênée si elle préfère répondre plus tard, peut-être simplement demander une sorte d’accusé de réception du message. 

Propos recueillis par Amélie Tresfels

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