Addiction au travail : quels sont les symptômes et comment s’en sortir ?

addiction au travail
Ergomanie, boulomanie, excès de zèle, workaholisme... les termes pour parler de l’addiction au travail sont nombreux. Des termes parfois un brin consensuels qui feraient presque oublier que comme toute autre addiction, celle au travail peut trouver sa source dans un mal-être et engendrer une véritable souffrance. Pour mieux comprendre ce qu’est l’addiction au travail, comment la déceler et comment s’en sortir, nous avons échangé sur le sujet avec Alain Morel, psychiatre, addictologue et Directeur Général de l’association Oppelia qui vient en aide aux personnes souffrant d’addictions.

Quels sont les symptômes de l’addiction au travail ?

Notons avant toute chose que l’addiction au travail n’est pas reconnue comme telle par les grandes institutions médicales et que pour Alain Morel « Etendre le terme d’addiction à toute forme de comportement compulsif pose des problèmes de définition scientifique car celle-ci a besoin de limites claires ». Néanmoins pour ce dernier « il est difficile de nier l’existence croissante, dans notre société, de modes de relation au travail répondant aux principaux critères d’une addiction. C’est-à-dire un besoin incontrôlable de travailler incessamment en dépit des dommages que cela provoque ».

Mais entre passion et workaholisme, pour celui ou celle qui en souffre ainsi que pour son entourage, la frontière peut parfois être mince et c’est dans les métiers de passion qui nécessitent un investissement physique et mental certain (on pense notamment au milieu médical), que l’addiction est particulièrement difficile à déceler. « On bascule de la passion un peu dévorante du « gros travailleur » à une addiction pathologique lorsque la satisfaction et le sens de son engagement dans son travail disparaît. » explique notre expert.

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Car c’est lorsque la notion de plaisir s’efface mais que le rythme ne faiblit pas, s’accroît même parfois, que les premiers symptômes peuvent alors être identifiés :  troubles du sommeil, syndrome d’épuisement professionnel, céphalées, douleurs musculaires ou intestinales, irritabilité. Il ne s’agit alors plus d’une banale volonté de bien faire ni même de dépassement personnel mais bien de la perte de soi dans un excès de travail et un sentiment constant de culpabilité.

Une addiction « sans substances » socialement acceptée

A-t-on déjà vu un employeur se plaindre d’un collaborateur qui travaille trop ? Peu probable, car un travailleur zélé n’est jamais pointé du doigt, en tous cas certainement pas par sa hiérarchie. Toute la difficulté de déceler l’addiction au travail réside dans le fait que cette dernière est socialement acceptée voire même encouragée. Loin d’être considérée comme une faiblesse à la différence de toutes les autres addictions avec substances, celle au boulot apparaît comme une vertu et suscite le respect.

« L’investissement intense dans le travail est fortement valorisé dans notre société, en particulier chez les cadres, mais pas seulement. Les risques pour la santé et l’équilibre personnel et familial passent au second plan et il n’est pas de bon ton de s’en plaindre. Tout comme il est plutôt mal vu de critiquer des exigences pour répondre à la nécessite de « remplir les objectifs » définis par l’employeur dans un contexte hyperconcurrentiel » explique le psychiatre.

De quoi questionner le rôle de l’entreprise et des managers dans le glissement d’un collaborateur vers l’addiction. Ironie du sort pourtant, les accros au travail ont bien souvent tendance à tomber dans ce qu’on appelle le présentéisme qui, en plus de faire baisser les performances des salariés, coûterait d’après de nombreuses études menées sur la question plus cher que l’absentéisme.

Workaholism et burn-out

Là encore, le lien entre addiction au travail et burn-out reste socialement flou car on a naturellement tendance à voir dans un workaholic un professionnel qui gère parfaitement son travail, et dans celui qui sombre dans le burn-out quelqu’un de dépassé, stressé voire fragile. Pourtant « Le burn-out est à l’addiction au travail ce que l’overdose est à la dépendance à une drogue comme l’héroïne. C’est tout le système qui s’effondre brutalement, mettant l’intégrité psychique et sociale de la personne en question. Tous les « workaholics » ne font pas forcément un burn-out, mais il n’y a pas de burn-out sans une certaine dépendance intense au travail. » indique notre expert Alain Morel.

Sortir de l’addiction au travail

Difficile avec l’addiction au travail de passer par une phase de sevrage total, c’est d’ailleurs bien là tout le problème : comment guérir d’une addiction à laquelle celle ou celui qui en souffre doit être confronté au quotidien ? Instant Office, site spécialisé dans la location de bureaux en France, s’est penché sur la question afin de fournir aux salariés quelques clés pour se défaire peu à peu de la boulomanie. La première : apprendre à déléguer et faire confiance à son équipe, cela permet de se focaliser sur les tâches les plus urgentes. La seconde : réduire les sources de distraction et éviter de tomber dans le syndrome de la réunionite aiguë.

L’autre point essentiel pour combattre l’addiction au travail est le respect de l’équilibre vie pro/vie perso qui doit être encouragé par l’entreprise. Un équilibre qui peut notamment s’atteindre en adoptant une digital détox dans le cadre de la sphère privée. D’après une étude publiée par Opinion Way plus tôt cette année, 47% des femmes et 32% des hommes ont déclaré se connecter le soir et le weekend pour le travail. C’est d’ailleurs pour favoriser ce fameux équilibre que le droit à la déconnexion a été mis en place dans le cadre de la loi travail il y a maintenant plus de deux ans.

Alain Morel est psychiatre, Directeur Général de l’association Oppelia et auteur publié aux éditions Dunod.

Caroline Lanau-Imbert

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