“Nous nous heurtons encore à beaucoup d’idées préconçues sur ce que qui constitue un bon parcours d’ingénieur, ou bien un CV idéal pour travailler dans le marketing.” Pour bousculer ces codes quasi-séculaires, la mathématicienne Bénédicte de Raphélis Soissan a lancé, en 2014, une start-up baptisée Clustree.
Le but de cette jeune pousse: décrypter, grâce à un algorithme, les potentiels présents en chacun de nous. “Nous analysons les données concernant un individu, en les rendant aveugles aux stéréotypes,” explique l’entrepreneure. “Cela permet de se rendre compte, par exemple, qu’un certain nombre de femmes sont tout à fait aptes à exercer des métiers techniques, ou que des profils seniors pourraient sans problèmes s’adapter à des structures digitales.”
Des obstacles occultant les potentiels
Des données qui parlent… de quoi bouleverser un tas d’idées arrêtées, encore prédominantes chez bon nombre d’employeurs. En effet, l’âge, notamment, s’avère être un frein à la progression de carrière pour 45% des collaborateurs âgés de plus de 55 ans, selon un sondage mené par le cabinet d’études de marché Opinion Matters auprès de quelque 9.920 répondants, répartis dans huit pays européens, dont la France, le Royaume-Uni ou encore les Pays-Bas. “La problématique autour des seniors est réelle,” assure de son côté Bénédicte de Raphélis Soissan . “Nous considérons qu’ils sont experts dans un domaine, en conséquence de quoi nous ne les laissons pas évoluer vers d’autres horizons.”
Des modes de fonctionnement sclérosés, en opposition frontale avec une société en pleine mutation numérique. Les prévisions d’économistes et celles de plusieurs think-tanks convergent en effet: près de la moitié des emplois de 2030 n’existent pas encore. “Un millenial va effectuer, au cours de sa vie professionnelle, 13 à 15 métiers différents”, précise de son côté notre experte.
Des aspirations encore en décalage avec les usages
De quoi remettre profondément en question le modèle actuel de l’entreprise traditionnelle, où la réussite se mesure à l’aune des galons et du positionnement dans l’organigramme. “La population qui arrive dans la sphère de l’emploi, n’entend pas construire sa carrière, mais la consommer,” résume la fondatrice de Clustree. Des aspirations qui évoluent parfois plus rapidement que le fonctionnement interne de certaines structures. Ainsi, 40% des salariés sondés par Opinion Matters estiment que leur employeur n’encourage pas une évolution professionnelle.
Une statistique regrettable à l’heure où le bien-être des collaborateurs n’a certainement jamais été autant pris au sérieux. Selon une étude Ipsos menée l’année dernière pour le compte de Dropbox, un collaborateur heureux au travail s’absente deux fois moins souvent que la moyenne, et est 31% plus productif... “Nous avons mené une étude en interne chez Clustree“, ajoute Bénédicte de Raphélis Soissan . “20% des personnes interrogées estiment que, pour changer de poste, il est plus facile de changer d’entreprise que d’espérer progresser au sein de la même structure.”
Vers un début de prise de conscience ?
Charge, selon elle, aux ressources humaines de mieux s’organiser afin de mettre à profit le potentiel créatif et intrapreneurial de chacun. Preuve, peut-être, que l’idée commence à infuser les consciences, l’HEC Executive School de Liège, rattachée à l’université de la ville, a ouvert un cursus intitulé “Happynomics”. Objectif affiché: sensibiliser les dirigeants à une vision de l’entreprise qui, pour booster sa performance, mise sur le bien-être de ses collaborateurs.