Magic Makers : « Le code, c’est comme le piano, mieux vaut commencer tôt »

Magic Makers
Parce qu’elle est convaincue que le code est avant tout un média d’expression, Claude Terosier a fondé Magic Makers. Avec ses animateurs, elle initie à la programmation près de 1600 enfants chaque année en Ile-de-France et à Bordeaux. Un engagement qui lui a valu le prix de l'innovation du trophée "Elles de France" décerné par la Région Ile-de-France.

Vous avez travaillé pendant 15 ans en tant que consultante et manager dans le domaine des IT.  L’envie de fonder Magic Makers est née du constat d’une inadéquation entre les formations des jeunes et les besoins des entreprises ?

Claude Terosier : C’est effectivement le premier volet. J’ai une formation d’ingénieur Télécom à ParisTech qui m’a permis d’apprendre à programmer dès la fin des années 90, quand la plupart des gens ne comprenaient pas de quoi il s’agissait. Magic Makers

Je me suis rendue compte que la bonne appréhension du numérique était non seulement nécessaire pour travailler dans les grandes entreprises, mais tout bonnement pour saisir le monde actuel. C’est utopique de penser que l’on peut vivre sans le numérique. La vraie question pour moi est : que va-t-on en faire ? C’est pour cela qu’il est essentiel de comprendre ces technologies pour participer à la création du monde de demain.

Il y a 8 ans, j’ai donc cherché des ateliers pour mon fils car le code c’est comme le piano : il est bien plus facile de l’apprendre lorsque l’on est enfant en raison de la neuroplasticité du cerveau. Je cherchais donc une manière ludique et concrète de lui apprendre la programmation, et j’ai constaté qu’il n’y avait aucune offre.

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Avec Magic Makers, mon postulat a été de démontrer aux enfants qu’ils sont capables de construire ce qu’ils utilisent. Il faut vraiment faire soi-même pour se rendre compte que tout cela n’est pas si compliqué. J’ai alors découvert les travaux du lab media du MIT qui avait créé Scratch, un logiciel fondé par des chercheurs en sciences de l’apprentissage. Ces derniers ont prouvé que c’est bien en se trompant et en cherchant soi-même une solution que l’on apprend le mieux.

Magic Makers n’a pas pour ambition de former uniquement des petits codeurs…

Claude Terosier :  Non car clairement le code n’est pas une fin en soi, c’est un média d’expression. Nous avons chacun nos forces et certains préféreront s’allier à un codeur pour développer une idée. Le vrai enjeu est de booster la créativité, de définir un objectif, de le séquencer en tâches simples, d’apprendre à se tromper, et à travailler en équipe. L’école considère que se faire aider par un voisin, c’est tricher. Mais en entreprise, l’intelligence collective est bien plus efficace que l’intelligence individuelle.

Fonder Magic Makers, c’était aussi vous lancer dans l’entrepreneuriat. Une manière de sortir du moule ?

Claude Terosier :  Effectivement, lorsque j’étais en entreprise, je me contentais de faire ce que l’on attendait de moi. L’entrepreneuriat m’a donné la possibilité de suivre mon intuition. Ce n’est pas toujours confortable mais très libératoire.

Apprendre le code tout en s’amusant, c’est votre credo. Vous prouvez que l’apprentissage du code n’est pas forcément rébarbatif ?

Claude Terosier :  Ma propre expérience n’a clairement pas été fun. Mais je me suis souvenue que lorsque je réussissais à programmer quelque chose, cet exercice de création était assez jouissif. Lorsque j’ai pensé aux ateliers pour les enfants, j’ai réalisé que leur appréhension du monde passait beaucoup par le jeu. Donc le plus évident a été de leur apprendre à coder en créant leur propre jeu vidéo.

Il s’agit de leur montrer des commandes simples et de les laisser ensuite construire leur propre histoire et leurs règles du jeu. Les enfants n’ont pas de problèmes de syntaxe car les commandes sont déjà écrites. Ils ne peuvent donc faire que des erreurs de logique. L’objectif est ainsi l’apprentissage de la causalité afin qu’ils constatent leurs erreurs en direct.

Avez-vous des programmes spécifiques pour les tout-petits et les ados plus âgés ?

Claude Terosier :  Les enfants de 6 ans vont construire des objets connectés à partir de Lego. Grâce à un capteur de mouvement et à une ligne de code, ils vont pouvoir mettre en route un moteur et faire avancer une voiture. Les 13-15 ans de leur côté vont faire des applis mobiles, et les plus avancés vont même manier l’Intelligence Artificielle. Par exemple, une jeune fille a créé un logiciel pour reconnaître les lettres du langage des signes.

Pensez-vous que le code devrait être enseigné à l’école comme une langue étrangère ?

Claude Terosier :  C’est déjà préconisé mais pas obligatoire. De mon côté je pense que l’on ne peut pas être un citoyen éclairé si l’on n’est pas à l’aise avec la technologie. Mais le vrai enjeu est de former les enseignants : comment peuvent-ils transmettre ce qu’ils n’ont jamais manipulé ?

Ce serait aussi une manière de sensibiliser beaucoup plus tôt les filles à la tech. De votre côté, on vous amène toujours plus de garçons ?

Claude Terosier :  Oui clairement, en dehors de quelques mères militantes qui amènent leurs filles, ce sont majoritairement des garçons. Pourtant, il faut agir très tôt, avant que la pression des pairs soit trop forte à l’école. Déjà que les femmes sont moins bien payées, ce serait vraiment dommage pour elles de laisser tout le champ libre aux hommes dans des carrières plutôt bien rémunérées !

A ce stade, les petites-filles appréhendent-elle différemment le code par rapport aux garçons ?

Claude Terosier :  A ce stade, pas encore. La logique est la même. En revanche, elles sont souvent très appliquées. Mais comme je le disais, le code est avant tout un média d’expression, et ces expressions peuvent donc être différentes et complémentaires.

Quelles devraient être selon vous les valeurs clefs pour former les cerveaux de demain ?

Claude Terosier :  Remettre de l’intelligence émotionnelle et de l’humain. Moi qui suis très scolaire, je pense que la théorie est importante, mais il est essentiel de donner aussi plus de place aux personnes. Et puis il y a bien entendu les 4 C : créativité, communication, collaboration et esprit critique. Il faut aider chaque enfant à déceler ses talents, développer sa confiance en soi et sa capacité d’initiative.

@Paojdo

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