Hanane El Jamali ou comment repenser le travail

Hanane El Jamali

Energie, passion, inspiration, échange, lien : ces maîtres-mots guident Hanane El Jamali, co-fondatrice avec Anthony Gutman de Remix Coworking, communauté d’entrepreneurs et de créatifs. La start-up réunit actuellement 150 coworkers, confortablement installés au sein de trois espaces parisiens. Au programme : confrontation d’idées, entre-aide, partage de réseaux… Plongée au cœur d’une nouvelle approche du travail.

Quel est le principe de remix coworking? 

Hanane El Jamali : Remix est une communauté ouverte et bienveillante de créatifs et d’entrepreneurs. L’objectif consiste à créer du lien et de la confiance entre les coworkers. Nous sommes persuadés que la confiance vient en partageant son quotidien. Forcément, on ne peut pas dissocier les communautés de coworking de l’existence de socles physiques, d’espaces, au sein desquels se vivent des expériences d’un nouveau genre.

L’objectif consiste à créer du lien et de la confiance entre les coworkers. Nous sommes persuadés que la confiance vient en partageant son quotidien. Forcément, on ne peut pas dissocier les communautés de coworking de l’existence de socles physiques, d’espaces, au sein desquels se vivent des expériences d’un nouveau genre.

Mini Guide Leader

Nous avons créé cette communauté sur la base de deux valeurs : la bienveillance, vouloir que les choses marchent aussi bien pour les autres que pour soi, et le décloisonnement. Généralement, les gens se réunissent par chapelles : ceux qui ont fait les mêmes écoles, qui appartiennent aux mêmes corps de métiers etc. Nous prônons le comportement inverse : quand on vient tous des mêmes univers, on commet les mêmes erreurs, on progresse moins vite. Etre confronté à des points de vue différents permet de développer une compréhension plus approfondie des problématiques : cela nous permet d’appréhender les réactions des personnes évoluant dans des secteurs différents.

Autre point : parmi nos coworkers, nous avons exactement le même nombre de créatifs et d’entrepreneurs. Pourquoi ? Cela permet entre autres de casser les dynamiques concurrentielles entre entrepreneurs, les créatifs ayant une approche très intérieure de leur développement, tandis que  les entrepreneurs conçoivent le leur sur un mode espace temps : accroître son chiffre d’affaires,sa masse salariale, se développer sur de nouveaux territoires. Confronter ces deux approches est extrêmement enrichissant pour la communauté.

Vous avez un parcours atypique : un DEA en génétique doublé du diplôme d’HEC. Est-ce ce mélange des genres dans votre propre parcours qui vous a donné l’idée de Remix Coworking ?

Hanane El Jamali : Ce qui est certain est que je n’ai jamais aimé être enfermée dans un moule. Je préfère être définie par une valeur plutôt que par une compétence ou un métier. Même si l’on ne s’en rend pas forcément compte, la génétique et le coworking partagent de fortes similitudes : dans un cas, on décortique l’ADN d’un être humain, on s’intéresse de manière microscopique à son fonctionnement. Le coworking est de la même façon une expérimentation humaine à plus grande échelle : on pousse des individus dans leurs retranchements, en dehors de leur zone de confort, et on observe l’impact que cela peut avoir sur leur épanouissement, sur leur intégration au sein d’une communauté.

Comment devenir co-worker chez Remix ?

grandesalle2Hanane El Jamali : Il faut d’abord remplir un formulaire disponible sur notre site Internet. Puis vient un rendez-vous de groupe avec notre General Manager, Julia. Elle explique aux candidats quelles sont nos valeurs, ce que l’on attend des coworkers. Trois critères rentrent en ligne de compte : vision, passion, exigence. Nous sommes à la recherche de personnes ayant une vision spécifique du monde.

On repère également si le candidat s’intéresse aux autres : s’il ne nous pose que des questions sur les locaux, cela ne nous intéresse pas ! Une fois que l’on a intégré la communauté, l’abonnement mensuel s’élève en moyenne à 400 euros. Cela donne également accès à nos locaux 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Le but est que nos coworkers s’approprient l’espace : ils préparent le café, allument les lumières… Plus ils se sentent chez eux et plus ils vont communiquer facilement avec les autres. Tout cela se fait sans engagement autre que moral : un coworker peut partir, sous couvert de nous donner un mois de préavis.

Concrètement, ici, la population a entre 25 et 60 ans. Si la majorité des coworkers a entre 30 et 40 ans, un bon tiers a plus de 40 ans.

En quoi le coworking constitue-t-il une réponse à une nouvelle façon de travailler ?

Le coworking est né à San Francisco en 2005. Des passionnés du digital commençaient à se sentir extrêmement seuls : ils ont cherché à lutter contre la virtualisation de leurs rapports. Ils se sont donc rassemblés et ont mis en place des vraies communautés d’échange et de partage.

Petit à petit, cela a eu un impact assez fort sur le reste du monde du travail. Aujourd’hui, le rapport au travail est bouleversé : les gens ne veulent plus forcément être en CDI, le nombre de freelancers ne cesse de croître, idem pour les slashers, exerçant plusieurs métiers en même temps. Toutes ces personnes veulent désormais rejoindre des communautés professionnelles réelles, revenir vers un socle physique, dénué cependant de toute notion hiérarchique. Un endroit où l’on trouve du sens, du partage, de l’humain.

Je suis persuadée qu’à terme, il n’y aura plus de bureaux classiques : subsisteront peut-être des sièges mais les entreprises installeront leurs employés dans plusieurs communautés différentes. Les structures seront fragmentées.

Justement, ressentez-vous un intérêt des entreprises traditionnelles pour le coworking ?

Hanane El Jamali : Etonnamment, nous sommes approchés par des groupes corporate, interpelés par ce qu’ils entendent dans la presse autour du coworking et de ses valeurs. Ils s’étonnent de la capacité de ces communautés à créer du bien-être et du sens. Généralement, ces grosses entreprises, issues des secteurs de l’automobile, des télécoms ou de l’industrie, nous posent deux questions : elles se demandent dans quelle mesure une partie de leurs équipes peuvent venir intégrer nos communautés au quotidien. D’autres admettent avoir du mal à retenir les générations Z et Y et misent sur la capacité de communautés de coworking à les fidéliser.

Troisième point : ces sociétés nous questionnent sur la possibilité de créer une communauté au sein même de leurs locaux. Pour moi, cela est une autre démarche du fait du rapport hiérarchique qui régit la vie en entreprise.

La France est-elle à la traîne en matière de coworking ?

Hanane El Jamali : L’Europe a rattrapé les Etats-Unis, en termes de nombres d’espaces. La différence se situe au  niveau de leur taille. Lorsqu’un espace de coworking ouvre aux Etats-Unis, sa superficie avoisine les 10000 m2 pour une communauté de 1000 à 2000 coworkers, là où l’on tourne autour de 50 personnes en moyenne France. Remix Coworking compte 150 coworkers résidents, constituant ainsi la plus grande communauté de l’Hexagone.

Par ailleurs, en 10 ans, le marché américain a eu le temps de s’adapter aux notions du coworking. Ici, le concept reste assimilé par le grand public à un simple partage de bureaux. On occulte complètement le côté communautaire. Or, chez Remix, nous sommes obsédés par ces fonctions de lien, d’humain…

Le coworking est-il en train de devenir une industrie ?

GRANDESALLE2 - copieOui, il l’est déjà ! Nous avons levé un million d’euros cet été : c’est la première levée de cette  envergure en France réalisée par une start-up de coworking. Aux Etats-Unis, WeWork, leader du coworking lancé en 2011, a été valorisé 5 milliards de dollars en 2015. Cela fait du coworking une industrie extrêmement bien valorisée.

Comment bien choisir son espace de coworking ?

Hanane El Jamali : On compte plusieurs typologies de communautés de coworking : celles appartenant à l’économie du partage, qui sont dans une approche de flexibilité. Elles s’adressent aux coworkers ayant besoin d’un bureau pour une journée, une semaine, un mois… Puis existent des communautés comme Remix – rattachées à l’économie du lien – au sein desquelles il y a beaucoup moins de flexibilité : ce qui nous intéresse est que les gens s’engagent au quotidien. On ne propose pas de mi-temps ou de ponctuel.

Mes communautés préférées en France, en dehors de Remix, sont celles du Studios Singuliers (Paris), du Laptop (Paris), et les Satellites (Nice). Les fondateurs de ces espaces sont proches et nous avançons souvent ensemble.

Viennent ensuite des espaces orientés autour d’un métier, d’un secteur : tech, architecture etc. Tout dépend de ce que l’on cherche en tant que coworker.

Comment bien s’intégrer au sein de sa communauté de coworkers ?

Hanane El Jamali : Ici, nous avons mis en place un process d’intégration : nous suivons de manière rapprochée les liens qui se créent entre les personnes. Notre objectif est qu’au bout de deux mois, chaque coworker se soit constitué une mini-communauté de 4 ou 5 personnes avec lesquelles il se sente super bien. Au bout de 9 mois, l’enjeu est que chacun maîtrise les enjeux business d’une quarantaine de coworkers. Nous avons deux personnes à temps plein – dont un superconnecteur – dont le travail consiste uniquement à créer du lien entre nos membres.

Nous organisons également des entretiens business afin de comprendre les enjeux de nos membres, les orienter vers des coworkers ayant été confrontés aux mêmes problématiques.

Quel état d’esprit adopter dans un espace de coworking ?

Hanane El Jamali : Bienveillance, spontanéité et curiosité !

A partir de quel moment peut-on considérer  sa structure suffisamment importante pour ne plus en avoir besoin d’évoluer dans un espace de coworking ?

Hanane El Jamali : Contrairement à un incubateur où la durée de présence est limitée, l’objectif est de pouvoir accompagner les entrepreneurs depuis l’idée, jusqu’à ce qu’ils se développent en une structure de 40, 50 personnes. Chez Remix, nous avons comme principe de ne pas prendre d’équipe représentant plus de 10% de la totalité nos coworkers, toujours pour des raisons de décloisonnement.

L’objet est de répondre à tous les créateurs d’entreprise. Ils se rendent bien compte que la plus-value du coworking est énorme : ici, les gens sont passés par tellement d’expériences différentes qu’à la moindre question ou difficulté, quelqu’un peut vous aider dans la seconde. C’est une plus-value inestimable.

 Claire Bauchart

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