Eloge de l’apprentissage en temps de crise par Aurélie Jean

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Que doit-on retenir de cette crise sanitaire et surtout quelles en sont les leçons à tirer ? Dans son nouveau livre, Aurélie Jean, Docteur en Sciences et entrepreneure nous livre ses réflexions sur ce qu’il faut garder des apprentissages du confinement pour le monde d’après. Interview

Éloge de l’apprentissage en temps de crise par Aurélie Jean

1/ Pour reprendre le titre de votre livre, notre grande leçon du confinement aura été de dévoiler notre capacité d’apprentissage, en quoi cela doit nous aider pour développer un autre monde ?

Nous apprenons toute notre vie. Cela étant dit, nous ne conceptualisons pas systématiquement cet apprentissage, comment il s’articule, ce qu’il nous apporte et comment l’améliorer. Moi-même je me force à analyser mon propre apprentissage. Durant ce confinement nous avons appris comme jamais, en cherchant des solutions à des problèmes nouveaux, en adoptant de nouvelles habitudes, ou encore en remettant en question nos acquis.

Dans mon petit essai je fais le parallèle avec la méthode scientifique pour apprendre selon quatre piliers que sont l’observation, l’expérimentation, l’usage de la théorie et le raisonnement logique. Durant ce confinement nous avons observé de nouvelles situations, expérimenté de nouveaux modes de fonctionnement, tout en raisonnant sur les théories qui ont jusque là dessiné nos quotidiens. Par mon petit essai, j’espère humblement donner une grille de lecture sur la méthode scientifique que je pense nécessaire pour tout le monde afin de capitaliser sur son apprentissage.

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Les experts et scientifiques ont été sur le devant de la scène et même mis en scène par le politique, vous déplorez le manque de culture scientifique de nos dirigeants mais n’y a t-il pas pour autant un danger à tomber dans une République des experts ? Quel doit être leur rôle respectif ?

L’idée n’est pas de transférer le pouvoir aux scientifiques mais de les consulter plus régulièrement et pas uniquement en temps de crise au risque de prendre de mauvaises décisions par l’absence d’un recul pourtant nécessaire à l’esprit critique. Les scientifiques doivent de leur coté expliquer de manière intelligible et plus régulièrement auprès du grand public et en particulier de nos décideurs politiques des tenants et des aboutissants des grands sujets scientifiques de notre temps. 

Aurélie Jean, La crise de confiance envers le politique n’a t-elle pas paradoxalement rejaillit sur la science ? 

Difficile à dire. En général, nous avons encore plus valorisé les médecins, les infirmiers et tout le personnel de santé. Cela étant dit, une certaine défiance s’est construite envers les scientifiques due principalement à une incompréhension de la situation, à des propos scientifiques maladroits, ou encore à un état de stress permanent même léger. La culture scientifique, tant dans les connaissances acquises que dans la méthode d’apprentissage permet de sortir de cette défiance pour au contraire challenger les scientifiques et les politiques sur leurs actes et leurs paroles. C’est d’ailleurs le titre du premier chapitre de mon petit essai “Enrichir sa culture scientifique pour conserver une bonne santé sociétale”.

Enrichir notre culture scientifique, exercer notre esprit critique sont essentiels dans un monde de plus en plus dominé par la technologie, l’IA etc… mais comment empêcher les théories du complot de faire florès ? La méthode scientifique ne se heurte t-elle pas au pouvoir de la technologie justement ( réseaux sociaux etc…) ?

Au temps des réseaux sociaux et de l’instantanéité des informations et des réactions, il est en effet plus difficile de garder du recul, ce qui fait prendre le risque d’affaiblir son esprit critique. La méthode scientifique est au contraire un moyen de construire cet esprit critique en travaillant sur la manière d’observer les contenus et les agissements sur les réseaux sociaux, d’expérimenter soi-même ces réseaux, en raisonnant sur les informations partagées tout en faisant référence à la théorie sur les sujets discutés. S’il y a un auteur à lire aujourd’hui c’est le professeur et sociologue Gérald Bronner qui travaille sur le phénomène et les raisons pour lesquelles nous tendons à croire à l’incroyable.

Cette crise a révélé une formidable énergie créatrice de chacun, vous prônez la société du « slashing » cela doit-il être valorisé dans le monde d’après ? Et de quelle manière ? Est ce une manière de repenser la place du travail dans notre société ?

Le slashing alimente ce qu’on appelle la GIG economy de l’autre côté de l’Atlantique. On observe de plus en plus de personnes qui en parallèle de leur poste principal, ont une activité qu’elle soit professionnelle, entrepreneuriale, ou bénévole. Le poste principal est lui aussi plus flexible tant dans les horaires que dans les compétences utilisées. Ce confinement a vu apparaître de nouvelles idées, la renaissance de projets abandonnés par manque de temps et d’énergie, ou encore de nouvelles activités intrapreneuriales pour exploiter de nouvelles compétences jusqu’alors mises de côté. Il est important que notre société valorise toutes les formes de travail car elle contribuent toutes à l’économie, en sortant de l’idée qu’on a systématiquement qu’un seul travail, et qu’il est forcément rémunéré. 

L’individu, son épanouissement,  sa capacité à exploiter ses talents est au coeur de votre message dans ce livre et le précédent, l’égalité pour tous est un de tes credos mais cette crise a de facto révélé des inégalités criantes entre les individus, comment reconstruire du collectif dans ce contexte ?

Cette crise a dévoilé des inégalité sociales et économiques et en a fait ressortir d’autres qui existent depuis longtemps. Cela étant dit, nous avons observé et expérimenté des actes de solidarité individuelles pour le bien collectif, nécessaires selon moi pour la cohésion sociale et l’efficacité de notre État. Cette crise est une opportunité pour mettre en exergue la valeur ajoutée de chacun et, comme je l’écris dans mon petit essai,  “mettre en place un échiquier plus juste économiquement et socialement”.                                                                     

Enfin, Aurélie Jean, en tant que citoyenne des deux rives de l’Atlantique, quelles leçons tirez vous de l’approche européenne de gestion de la crise avec ses variations versus les Etats-Unis ? 

J’ai beaucoup d’amis qui subissent de plein fouet économiquement cette crise avec entre autres, la perte de leur rémunération, même temporairement. En France, nous avons la chance d’avoir pu bénéficier d’un soutien de l’État et en particulier du chômage partiel défendu par la ministre Muriel Pénicaud, fondamental pour la relance de l’économie.

Crédit photo Géraldine Aresteanu

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