Comment manager et fidéliser les hauts-potentiels ?

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Les personnes à Haut Potentiel, jadis appelées surdouées, peuvent être de vrais atouts pour une entreprise, à condition toutefois de leur offrir un environnement managérial adapté et des missions stimulantes. Entretien avec Sandrine Rampont, PDG de Matière Bleue, société qui accompagne les dirigeants dans leurs stratégies de croissance, et auteure d’un livre sur le sujet.

A lire : « Parfois ingérables, toujours brillants », Sandrine Rampont, éditions Eyrolles hauts-potentiels

Comment manager et fidéliser les hauts-potentiels ? Sandrine Rampont nous répond

Votre livre évoque les Hauts Potentiels à travers le management stimulant et bienveillant souhaitable dans toute entreprise. Qu’est-ce qui vous a amené à vouloir évoquer ces sujets ?

Sandrine Rampont : Deux raisons m’ont poussé à écrire ce livre. La première, c’est ce cri d’alerte que j’avais envie de passer face à la manière dont une partie des entreprises peuvent encore être gérées aujourd’hui. Il est primordial pour répondre aux enjeux de transformation actuels, de faire évoluer les pratiques managériales, d’encourager la coopération de tous, l’agilité, l’innovation et la génération d’intelligence collective. Or certaines entreprises restent bloquées dans des modèles obsolètes qui font fuir les talents et détruisent de la valeur à moyen terme. C’est en faisant preuve d’un mode de management exigeant, mais bienveillant, que l’on obtient les meilleurs résultats. Cela nécessite de proposer des postes de management aux collaborateurs qui en ont les compétences et de les accompagner dans leur prise de fonction. 

Quelle est la seconde raison ? 

Sandrine Rampont : La seconde raison, c’est que j’ai managé des hauts potentiels durant toute ma vie professionnelle sans le savoir. La plupart d’ailleurs ignorent qu’ils ont un mode de fonctionnement particulier. Les personnes à haut potentiel possèdent avant tout une force : elles combinent une grande puissance intellectuelle (mesurée par le QI) et une forte sensibilité. Elles font preuve d’empathie et d’intuition, des qualités qui, combinées à une expertise professionnelle, sont indispensables à la réussite d’un collectif aujourd’hui.  Toutefois, ces qualités peuvent aussi engendrer de la souffrance au travail lorsque ces personnes évoluent dans des environnements inefficaces, incohérents ou défaillants d’un point de vue managérial. J’ai voulu en rendre compte dans le livre pour donner aux managers et dirigeants des pistes pour les aider à donner le meilleur d’eux-mêmes.

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Quels sont les signes qui peuvent laisser penser qu’un collaborateur est à haut potentiel ?

Sandrine Rampont : J’ai interrogé une trentaine de personnes à haut potentiel et leurs managers, pour écrire ce livre. Si ces personnalités sont très différentes, des traits communs apparaissent. Le premier, c’est leur rapidité et leur grande capacité de travail qui peuvent leur permettre de faire celui de 2 ou 3 personnes s’ils sont dans leur zone de talent.
Ensuite, ils apportent à un collectif des solutions originales aux problèmes complexes à résoudre, grâce à leur intuition et leur capacité à réfléchir « out of the box ».  Cependant, ils n’arrivent pas toujours à bien expliquer leurs idées et ont du mal à être entendus. 

Ils réagissent fortement face à l’injustice, à l’incohérence entre ce qui est dit et ce qui est fait. Ils ont un niveau d’exigence élevé et peuvent sembler frustrés lorsque leurs productions ne sont pas au niveau qui leur convient. Ils sont souvent qualifiés de perfectionnistes. S’ils évoluent dans un collectif qui n’a pas les mêmes référentiels, ils peuvent peiner à trouver un équilibre entre les attentes de celui-ci et l’expression de leur personnalité. À force, ça peut les conduire à la sur-adaptation.
Plusieurs de ceux que j’ai interrogés avaient faits des burn-out. Surtout des femmes. Pour se protéger, elles doivent apprendre à dire non et laisser tomber l’étiquette de « bonne élève » qui leur a été utile pour progresser dans l’entreprise, car celle-ci finit par leur nuire.

Qu’apporte un haut potentiel à une entreprise ?

Sandrine Rampont : Outre une capacité de travail qui peut être importante, s’il a des projets qui le stimulent, sa vraie valeur ajoutée, c’est sa curiosité d’esprit, sa capacité à sortir du cadre, à innover, à transformer ce qui est inefficace ou inutile. La personne à haut potentiel peut être un stratège qui donne la direction et lève les freins aux changements.  Ce peut être aussi souvent quelqu’un qui a des valeurs humaines fortes et réussira dans des fonctions liées au développement humain (RH, management…).

Enfin, ce sont des personnes qui aiment la complexité et savent apporter des solutions créatives dans de nombreux domaines : l’informatique, la finance, l’ingénierie…
Mais cette valeur ajoutée, pour s’exprimer, nécessite qu’elle soit bien comprise dans un collectif. Si on lui demande simplement de reproduire ce qui marche, qu’elle est dans une routine, la personne à haut potentiel se lassera vite et aura besoin d’autre chose.

La culture de l’entreprise et l’environnement de travail importent aussi…

Sandrine Rampont : Oui. Certains ont un ou plusieurs sens exacerbés. Ils peuvent être sensibles à la luminosité, au bruit… et se fatiguer vite ou avoir du mal à se concentrer dans des espaces où il y a beaucoup d’agitation, de lumière vive ou de discussions. Il faut y faire attention.
Par ailleurs, plus la culture de l’entreprise laisse de place à la diversité (multiculturelle, intergénérationnelle, mixte…), plus le haut potentiel s’y sentira bien, car dans ces environnements, les collaborateurs s’adaptent aux particularités des uns et des autres. C’est une vraie richesse qui permet à tous les talents de s’exprimer.

Comment manager ces hauts potentiels pour les fidéliser ? 

Sandrine Rampont : Il est essentiel de les traiter avec respect, comme c’est essentiel de le faire avec tous les autres. Mieux vaut ne pas leur accorder ce qui pourrait être considéré comme des privilèges afin d’éviter les jalousies, voire du harcèlement. Ils apprécient d’avoir de la confiance, de la liberté, et de l’autonomie dans la manière d’accomplir leurs missions, d’autant plus que leur rythme de travail est particulier. Ce ne sont pas des personnes linéaires : elles ont beaucoup d’énergie par moments et sont vidées à d’autres.

Quand un projet leur est confié, il est utile de leur expliquer le résultat attendu et de vérifier qu’ils l’ont bien compris. Utile aussi de caler un délai de réalisation avec des points intermédiaires, en face à face ou en équipe, pour s’assurer que toute avance dans la bonne direction. Le manager a intérêt à essayer de leur confier régulièrement de nouveaux projets, car ils peuvent faire assez vite le tour d’un poste. Il est possible aussi de les faire travailler sur des projets transverses complexes, ou de leur demander de partager leurs connaissances ou expertise afin d’en faire profiter le collectif. Beaucoup aiment transmettre et cette posture pédagogique leur sied bien. 

Et, s’il n’y a plus de challenges suffisant à leur donner, mieux vaut les encourager à chercher un autre poste dans l’entreprise ou bien parfois même à partir plutôt que de vouloir les garder à tout prix. Cela n’empêchera pas de les retrouver parfois quelques années plus tard dans un autre cadre professionnel car ce sont des personnes fidèles aux managers qui les ont fait grandir.

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