Aurélie JEAN, docteur en sciences des matériaux, a plus de 10 ans d’expérience en mathématiques appliquées et en programmation informatique aux États-Unis et en France. Aurélie a appliqué ses compétences dans de nombreuses disciplines telles que l’ingénierie, la médecine, l’éducation, l’économie, la finance ou encore le journalisme. Aurélie est actuellement CTO et co-fondatrice de MixR à Los Angeles. Son motto “Coding for a brighter and better future for everyone“.
Petite, vous vous rêviez déjà scientifique ?
Aurélie Jean : Oui d’une certaine manière, j’ai toujours eu de l’appétence pour les mathématiques et la physique. Mon grand-père me racontait régulièrement des histoires autour du fonctionnement des choses m’entourant, comme pourquoi le ciel est bleu, pourquoi Neil Armstrong faisait des bonds sur la Lune… Je pense que mes grands-parents ont cultivé ma curiosité scientifique. Je me souviens avoir entendu parler du MIT à l’âge de 7 ans comme étant l’endroit où l’on cherchait à démontrer qu’il fallait mieux marcher que courir sous la pluie pour être le moins mouillé possible (rires). J’ai toujours adoré l’idée d’aller chercher des réponses à des questions surprenantes !
Vous avez fait Sorbonne Université, l’ENS et les Mines, puis avez travaillé au prestigieux MIT. Qu’avez-vous retiré de ces années de recherche ?
Aurélie Jean : La recherche, et plus particulièrement la thèse de doctorat, est selon moi la meilleure formation au monde pour construire un esprit bien fait, critique et logique. Mes années de recherche m’ont aussi conféré un sens de l’entreprenariat car d’une certaine façon on gère un groupe de recherche comme une entreprise ou une startup. On conduit ses travaux, on communique sur ses travaux, on les vend, on recherche des fonds… tout en gardant un niveau de créativité élevé afin de développer constamment des visions et des stratégies innovantes. Je suis une chercheuse dans l’âme et c’est pourquoi je suis devenue entrepreneure. De plus, je retrouve dans l’entreprenariat la liberté intellectuelle que j’ai gagnée en recherche.
Comment passe-t-on de chercheur à développeur informatique sénior chez Bloomberg ?
Aurélie Jean : Après 7 ans de recherches en sciences numériques appliquées à la médecine, je voulais me challenger sur une autre discipline et dans un autre contexte. A la même époque, je me suis faite chasser par Bloomberg à NYC, j’ai sauté sur l’opportunité pour appliquer mes compétences en mathématiques appliquées et programmation informatique en économie et en finance. Ces presque 2 années à Bloomberg ont été très enrichissantes !
Pour vous, le code devrait être appris comme une langue, même par ceux qui ne veulent pas devenir développeurs. Vous pensez notamment aux dirigeants qui leadent des équipes techniques ?
Aurélie Jean : Absolument ! Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, les dirigeants étatiques et économiques de nos pays ne comprennent pas la révolution en cours. Nos dirigeants doivent comprendre les tenants et les aboutissants, les mécanismes sous-jacents des nouvelles technologies, afin de développer des visions, des stratégies, ou tout simplement innover. Dans ce cadre, Alain Buzzacaro d’Octo Technology et moi-même avons développé la première formation d’analytique et de code pour les dirigeants de nos pays, #Coding4CLevels. Octo Academy est un partenaire de choix car sa vision est alignée avec mes valeurs dans la transmission de la connaissance et la formation continue. Notre prochaine formation aura lieu les 6 et 7 juin à Paris, venez nombreux!
Votre autre engagement concerne la présence des femmes parmi les rangs des codeurs. Quelle vision et quels outils de changement défendrez-vous lors du salon Vivatech ?
Aurélie Jean : Les femmes ont pour la première fois dans l’histoire de l’humanité l’opportunité de créer à compétences égales avec les hommes le tissu social de demain. Les femmes doivent sauter sur cette opportunité en devenant des productrices des outils numériques et pas seulement des utilisatrices. Le rôle des femmes est également important dans le développement des outils numériques pour diversifier les visions, les manières de réfléchir afin d’éviter les biais dans ces outils et donc d’éviter toute discrimination technologique. A Vivatech, je vais parler des moyens d’éviter les biais algorithmiques et du rôle des femmes dans cette révolution numérique. Ma présentation a pour titre Biased Algorithms: Let The Fight Begins et aura lieu le vendredi 25 Mai à 14:25, je vous attends!
L’une des raisons pour lesquelles les femmes ne se dirigent pas vers la tech, réside notamment dans le fait que ces métiers leur semblent parfois être dépourvus de sens en comparaison avec des métiers comme ceux du Care. Vous souhaitez justement démontrer que le métier de développeur peut avoir un fort impact dans des secteurs tels que les sciences, l’éducation, la santé ?
Aurélie Jean : Oui ! Je prends souvent mon exemple, j’ai appliqué mes compétences en mathématiques appliquées et en programmation informatique en ingénierie, médecine, éducation, économie, finance, art et journalisme. J’ai étudié les mécanismes du traumatismes crânien, amélioré les techniques de croissance de tissu cardiaque en laboratoire, contribué à rendre la finance transparente, développé des méthodes d’éducation à distance … Je pense avoir un fort impact dans ce que j’entreprends au quotidien, je modèle le monde de demain pour tous.
Vous faites partie de notre jury du Business O Féminin Award qui récompensera une startup féminine avec une potentialité de développement à l’international, ainsi qu’une jeune porteuse de projet avec les Young Business O Féminin Award. Quels sont les critères sur lesquels vous porterez le plus votre attention pour choisir les heureuses gagnantes ?
Aurélie Jean : L’innovation, la créativité, l’impact et le leadership. Un projet est innovant si le niveau de créativité est élevé ainsi que l’impact large. Il y a un autre point que je regarde et qui est la possible transversalité du projet, en d’autres termes comment ce projet, le produit développé peut être translaté vers un autre domaine. Je crois fortement en l’interdisciplinarité et selon moi notre avenir se construit de plus en plus sur ce paradigme. Je suis très honorée d’avoir été choisie pour participer au jury cette année, et j’espère être à la hauteur!
Vous avez fait presque tout votre parcours aux Etats-Unis : que pensez-vous que les Français ont le plus à apprendre des Américains ? Et inversement ?
Aurélie Jean : J’ai principalement travaillé aux US et vis aujourd’hui entre la France et les États-Unis. Dans ma vie et ma carrière, j’ai choisi de prendre le meilleur des deux cultures. Je prends le pragmatisme et l’optimisme des Américains, et le romantisme et l’intellect des Français. Les Français doivent s’inspirer de l’optimisme des Américains qui leur permet d’entreprendre plus grand et plus loin. Même après 9 ans passées aux USA, avec mon optimisme qui me caractérise, je me plains encore toujours comme une Française (rires…)
Les Français doivent aussi s’inspirer du management des Américains, et les Françaises doivent s’inspirer de la solidarité des Américaines entre elles.
Enfin, je dois reconnaître que le pragmatisme des Américains est une qualité forte à développer. Les Français ont de grandes qualités que les Américains nous envient. Sans parler de notre romantisme, notre poésie et notre savoir-vivre, nous avons aussi l’un des meilleurs systèmes d’éducation en mathématiques et en sciences qui nous rend profondément rigoureux et nous permet de résoudre des problèmes d’une grande abstraction. Notre héritage intellectuel marque encore aujourd’hui notre manière de réfléchir je pense.
Tout au long de votre carrière, vous avez mentoré de jeunes étudiants, et êtes actuellement Marraine d’une promotion pour Microsoft. Comment tâchez-vous d’être un bon mentor ?
Aurélie Jean : J’ai découvert le mentorat en 2009 lors de ma première année aux US, à l’époque j’étais chercheuse à l’Université d’État de Pennsylvanie sous la direction du Prof. George C. Engelmayr. George a été mon premier mentor et continue encore aujourd’hui. Depuis, j’ai eu de nombreux mentors au MIT, à Bloomberg, aux US principalement. J’ai également quelques mentors en France tels qu’Alain Clot (Président de France FinTech) ou encore Sébastien Le Fol (Directeur de la Rédaction du magazine Le Point). Je mentore également depuis des années, des femmes et des hommes.
Selon moi, le mentorat est nécessaire afin d’avancer tout en prenant du recul sur des situations parfois compliquées, ou tout simplement de développer un sens critique par rapport aux choix que l’on fait dans sa carrière voire sa vie personnelle.
Je mentore autant que je peux, et il est vrai que devenir marraine de la première promo d’IA de microsoft était pour moi une occasion unique de scaler en impactant un maximum d’individus. Mon but avec les 24 apprenants est de leur transmettre ma vision de la diversité, de l’inclusion technologique mais aussi du rôle qu’ils vont jouer dans la transmission de ce message et le mentorat d’autres personnes dans le futur. Je les vois évoluer, ils sont formidables ! Je remercie Microsoft de me faire confiance et pour cette fabuleuse collaboration avec l’Ecole Simplon que j’estime énormément.
Dans une récente interview, vous conseillez aux femmes d’être versatiles, de se former sans cesse, de suivre les transformations de notre société. Vous pensez que les femmes sont justement les mieux armées pour faire face à ces changements ?
Aurélie Jean : Dans l’histoire de l’humanité, la femme a dû s’adapter à un monde qu’elle n’a jamais créée, mais qui a été construit par les hommes. Cela étant dit, je pense que les femmes ont une grande capacité d’adaptation et de flexibilité qu’elles doivent davantage utiliser dans ce monde qui change vite.
@Paojdo
Credit Jean Claude Guilloux