Alors que les entreprises du CAC 40 affichent une féminisation croissante de leurs instances dirigeantes, l’accès aux postes les plus stratégiques reste majoritairement masculin. L’égalité femmes-hommes reste donc un défi majeur au sein du CAC 40, malgré les progrès constatés. Décryptage d’une parité en trompe-l’œil, entre réels engagements et plafond de verre persistant.
Une dynamique encourageante
Pour cette troisième édition du baromètre L’Importante-Arba, dévoilé lors du Global Meeting du Women’s Forum à Paris, les chiffres confirment une tendance positive. Les femmes représentent désormais 29 % des membres des comités exécutifs du CAC 40, contre 27 % en 2023 et seulement 18 % en 2020. Ces chiffres montrent que l’égalité femmes-hommes progresse, mais que le chemin vers une représentation équilibrée dans le CAC 40 reste long.
Selon Sacha Posternak, fondatrice du média L’Importante et à l’origine de ce classement : « Les entreprises françaises assument de plus en plus leur responsabilité en matière de mixité et d’égalité professionnelle ». Malgré le contexte international de recul des droits des femmes, la France maintient le cap, et c’est une très bonne nouvelle.
Cette évolution, progressive mais néanmoins tangible, est portée par les vingt premières entreprises du classement. Parmi lesquelles Engie, Orange, Veolia ou Michelin. En effet, ces groupes ont intégré la féminisation dans leurs politiques de gouvernance et leurs dispositifs RH, devenant ainsi des moteurs de transformation.
Le pouvoir, encore aux mains des hommes
Cependant, derrière cette photographie encourageante, un constat s’impose : le cœur stratégique de l’entreprise reste difficilement accessible aux femmes. Le baromètre révèle que 14 sociétés du CAC 40 ne comptent aujourd’hui aucune femme à un poste doté d’un P&L. C’est-à-dire une responsabilité directe sur le chiffre d’affaires. Une régression par rapport à 2024, où elles n’étaient que quatre.
Ces fonctions dites « business » demeurent la voie royale vers les directions générales. Par conséquent, en être exclue, c’est donc voir son ascension limitée. « Les femmes sont compétentes et ambitieuses, toutefois elles ne sont pas toujours identifiées ou encouragées à occuper des postes où se joue le pouvoir décisionnel », note Sacha Posternak.
Résultat : seules quatre femmes dirigent actuellement une entreprise du CAC 40, dont Catherine MacGregor (Engie) et Christel Heydemann (Orange). De plus, on ne compte que deux présidentes de conseils d’administration, Barbara Dalibard (Michelin) et Angeles Garcia-Poveda (Legrand).
Des politiques volontaristes, mais encore inégales
La majorité des entreprises semblent néanmoins déterminées à progresser. 36 sur 40 se sont fixées un objectif chiffré de représentation des femmes managers, sans y être légalement contraintes. Parmi elles, 16 visent au moins 40 % de femmes managers, et 9 ont déjà atteint ce seuil.
Certaines pratiques se démarquent. Par exemple, Engie a généralisé le congé paternité dans l’ensemble de ses filiales mondiales. Y compris dans les pays où la loi ne l’impose pas.
À l’inverse, Stellantis, ArcelorMittal ou Airbus ferment la marche. Si Airbus reconnaît un déficit de vivier féminin dans les métiers techniques et aéronautiques, l’entreprise a lancé plusieurs campagnes de recrutement ciblées et de sensibilisation pour faire évoluer la donne.
L’égalité réelle, un chantier de longue haleine
La progression des chiffres traduit une volonté claire. La parité n’est plus perçue comme un enjeu périphérique, mais plutôt comme un levier stratégique. Pourtant, les indicateurs de gouvernance révèlent encore des biais structurels profonds :
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Ségrégation des rôles (fonctions support pour les femmes, business pour les hommes),
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Accès limité aux comités de direction les plus influents,
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Faible visibilité des femmes dans les successions de CEO.
Ainsi, à la clé, un risque bien connu ! Celui d’une parité de façade, où les chiffres progressent sans que le partage du pouvoir réel suive la même cadence.
Une question de culture, pas seulement de chiffres
En réalité, derrière les classements et les pourcentages, c’est la culture du leadership qu’il faut interroger. L’égalité femmes-hommes ne se mesure pas uniquement à la présence de dirigeantes, mais à la capacité des organisations à repenser les trajectoires de carrière, la reconnaissance du mérite et la place du pouvoir.
Comme le souligne une dirigeante interrogée dans le cadre du baromètre : « Ce n’est pas seulement une question de quotas. Au contraire, c’est une question de vision. Tant que les fonctions stratégiques seront conçues selon des modèles masculins, la parité ne sera qu’une illusion statistique ».