Communicante, femme d’influence, Patricia Chapelotte a gravité dans les allées du pouvoir et conseillée des décideurs et politiques depuis toujours. Une femme dans un monde d’hommes, n’est-ce pas cela qui a nourrit sa volonté de créer le cercle des femmes d’influence, puis le Prix Femme d’Influence qui récompense depuis 2014 des femmes de talents dans les domaines : politique, économiques culturel, coups de cœur et espoir. Rencontre.
Patricia, comment te définirais-tu ?
Patricia Chapelotte : Je suis un peu un mélange des trois : femme de l’ombre, femme d’influence et femme de pouvoir. Quand tu conseilles des dirigeants, tu es derrière eux, tu écoutes leurs préoccupations, tu essaies d’influer Patricia Chapelotte femme d’influence leurs décisions et les choix qu’ils vont faire. Donc oui, on est dans l’ombre, mais on est influente aussi.
Exercer le pouvoir, ce n’est pas une fin en soi, mais ce n’est pas un gros mot non plus. Pour moi, exercer le pouvoir, c’est ne jamais renoncer à prendre des positions et à exercer un leadership.
Pourquoi avoir choisi la communication d’influence ?
Patricia Chapelotte : Ce métier m’a attirée parce que j’ai toujours aimé conseiller, apporter quelque chose aux autres et surtout évoluer dans des univers très différents. Un jour, tu travailles avec un ministre de la Justice, le lendemain avec un chef d’entreprise ou un élu local.
C’est sûrement ma curiosité du monde qui m’a poussée vers ce métier : j’aime comprendre les gens, leurs enjeux, leurs problématiques.
Tu as aussi travaillé longtemps dans la communication politique. Qu’est-ce qui t’a poussé vers cet univers ?
Patricia Chapelotte : J’ai toujours été passionnée de politique, depuis toute petite, même si personne n’en faisait dans ma famille. Je regardais les hommes politiques à la télé, j’essayais de comprendre.
Je trouve que c’est important de pouvoir, à un moment donné, agir sur la vie de nos concitoyens, même modestement. J’ai commencé au Sénat comme collaboratrice d’un groupe parlementaire, puis j’ai fait beaucoup de campagnes : municipales, départementales, présidentielles… J’étais dans les équipes de Jacques Chirac en 1995.
La politique, c’est aussi apprendre à faire des compromis. Mais ce qui doit toujours nous guider, c’est d’être au service de l’intérêt général.
Tu as été candidate aux législatives. Comment as-tu ressenti le rapport des Français à la politique ?
Patricia Chapelotte : Oui, j’ai été candidate dans l’Orne, à la demande de Gabriel Attal, au moment de la dissolution. Et là, sur le terrain, j’ai vraiment mesuré le désamour des Français envers les politiques.
Les gens ont le sentiment qu’ils n’ont plus de prise sur leur quotidien. Et on ne peut pas leur en vouloir : certains n’arrivent pas à remplir leur frigo ou à payer leurs factures.
Mais je crois que les élus locaux, les maires, les adjoints, eux, peuvent vraiment changer la vie des gens de façon concrète. Ce sont ces mandats-là qui redonnent un peu d’espoir et d’humanité à la politique.
Selon toi, il n’y a plus de vision politique aujourd’hui ?
Patricia Chapelotte : Le monde politique a changé. On vit dans une ère du temps court : les médias, les chaînes d’info, les réseaux sociaux imposent une réactivité permanente.
Avant, les dirigeants pouvaient parler du temps long, projeter une vision du pays. Aujourd’hui, on est ramené sans cesse à l’immédiat : le chômage, le pouvoir d’achat, le quotidien. Et pourtant, il y a encore des femmes et des hommes visionnaires. Ils ont juste moins de bandes passantes et d’espaces pour parler du temps long.
Ces mondes politique et économique très masculin t’ont-ils inspiré à créer le Prix de la Femme d’Influence ?
Patricia Chapelotte : Oui, totalement. Quand j’étais jeune collaboratrice, la parole des femmes était moins écoutée. On ne prenait pas ces sujets d’inégalités, de harcèleemnt, etc… toujours au sérieux.
Je voyais aussi dans les médias qu’on faisait toujours appel aux mêmes expertes, une dizaine de femmes brillantes, mais toujours les mêmes. Je me suis dit : il faut donner la parole à toutes ces femmes qu’on ne voit pas, les dirigeantes de PME, les entrepreneuses en province, les femmes de l’industrie…
C’est comme ça que j’ai créé le Cercle des Femmes d’Influence, puis le Prix de la Femme d’Influence en 2014. Je voulais que les femmes soient plus visibles, plus entendues.
Quels sont les critères de sélection du Prix ?
Patricia Chapelotte : On met en lumière des femmes qui ont déjà accompli des choses, mais aussi celles qui sont en devenir. Ce qu’on regarde, c’est leur capacité à agir, leurs engagements concrets, notamment pour la cause des femmes.
Beaucoup s’impliquent dans des associations, dans l’égalité salariale, dans l’éducation, ou encore dans la protection de la planète. Parce qu’au-delà de la réussite professionnelle, l’influence, c’est aussi savoir donner et faire bouger les lignes.
Parmi toutes ces femmes, certaines t’ont particulièrement marquée ?
Patricia Chapelotte : Oui, énormément. Christiane Lambert, première femme présidente de la FNSEA, une femme d’un courage incroyable dans un milieu très masculin.
Laurence des Cars aussi : je lui ai remis le Prix de la Femme d’Influence quand elle dirigeait le musée d’Orsay, et aujourd’hui, elle est la première femme à la tête du Louvre. C’est une femme d’État, brillante et humble. Et puis Léa Moukanas, que j’adore. Elle a fondé l’association Aïda à 15 ans pour accompagner les jeunes atteints de cancer. Elle fait partie de ces jeunes femmes qui cassent les murs.
Enfin, Yaël Braun-Pivet, qu’on avait récompensée quand elle présidait la commission des lois. Aujourd’hui, elle est la première présidente de l’Assemblée nationale, et elle garde son trophée dans son bureau. C’est un symbole fort.
Comment développe-t-on son influence ?
Patricia Chapelotte : Il faut d’abord aimer les gens. On ne peut pas faire de l’influence sans humanité. Ce n’est pas seulement participer à des clubs ou collectionner des cartes de visite.
Il faut écouter, s’intéresser sincèrement aux autres, rester présent, surtout quand les gens traversent des moments difficiles. C’est aussi du temps, de la fidélité, de la curiosité. L’influence, ce n’est pas manipuler, c’est créer du lien humain.
As-tu un modèle ou un mantra qui te guide ?
Patricia Chapelotte : Je n’ai pas un modèle unique, mais plein de personnes qui m’inspirent : des femmes courageuses, des entrepreneurs partis de rien, des politiques qui se battent.
J’aime les femmes combattantes. Marlène Schiappa, par exemple, que j’ai connue avant qu’elle ne soit ministre, est une vraie battante. Elle incarne cette énergie de celles qui tombent, se relèvent et continuent.
Et mon mantra, c’est simple : sois heureuse chaque jour, profite du moment présent et fuis les imbéciles. Parce qu’il faut savoir s’éloigner des gens qui dégagent des ondes négatives. Je suis quelqu’un de joyeux, je ris, j’écoute de la musique à fond, et même quand la journée est dure, je me dis que j’ai de la chance.
Propos recueillis par Véronique Forge Karibian, fondatrice de Business O Féminin