Égalité salariale : le défi de la transparence des rémunérations imposé par l’UE

transparence des rémunérations

Quand la transparence des rémunérations favorise l’égalité femmes-hommes et renforce les droits des collaboratrices et collaborateurs.

« Être capable de mettre en avant un système de rémunération équitable et transparent contribue à rendre l’entreprise plus attractive et à favoriser la cohésion interne. C’est un enjeu de marque employeur. Lever le tabou des salaires constitue un véritable défi organisationnel : la transparence ne se résume pas à une obligation légale mais vise à mettre en place des organisations plus justes », David Guillouet, avocat au cabinet Voltaire Avocats 06 février 2025.

David Guillouet fait référence au rapport de la Cour des comptes publié le 27 janvier 2025, qui met en cause la politique publique en faveur de l’égalité femmes-hommes. Celle-ci est jugée inefficace, malgré plusieurs années de mise en oeuvre.

Les inégalités salariales entre femmes et hommes : un constat persistant

En France,  les écarts salariaux entre les sexes restent significatifs  :

Mini Guide Leader
  • 24,4 % de moins pour les femmes, tous temps de travail confondus ;
  • 15,5 % de moins à temps de travail équivalents ;
  • 4,3 % de moins à poste équivalent

Source : Observatoire des inégalités, 04/03/2024.

Plusieurs causes sont avancées dans le préambule de la directive européenne :

  • la persistance des stéréotypes sexistes ;
  • le « plafond de verre » et le « plancher collant » ;
  • une forte concentration des femmes dans des emplois peu rémunérés ;
  • un déséquilibre dans les responsabilités familiales ;
  • des discriminations directes et indirectes.

La crise sanitaire a amplifié les écarts

« La crise sanitaire du Covid-19 a accentué les inégalités au détriment des femmes, notamment à cause de la perte d’emplois dans des secteurs faiblement rémunérés à prédominance féminine. Ces disparités salariales s’expliquent notamment par une répartition “genrée” des professions : les femmes occupent des emplois différents, dans des secteurs moins rémunérateurs et accèdent moins fréquemment aux postes les mieux rémunérés », indique David Guillouet.

La politique publique en faveur de l’égalité femmes-hommes est également critiquée par :

  • le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, dans son rapport de mars 2024 : « Salaires : 5 ans après l’Index, toujours pas d’égalité » ;
  • la Cour des comptes, dans son rapport de janvier 2025 sur les inégalités entre les hommes et les femmes.

Une directive européenne pour renforcer la transparence

La directive 2023/970 du 10 mai 2023 renforce l’égalité salariale entre les femmes et les hommes pour un même travail ou un travail de même valeur. Elle s’appuie sur deux piliers :

  • la transparence des rémunérations, pour éliminer les biais sexistes et mettre fin à l’opacité ;

  • des mécanismes contraignants, garantissant une réparation complète des préjudices subis (arriérés de salaire, préjudice moral, etc.).

Les personnes concernées par la directive sont :

  • les employeurs des secteurs public et privé ;
  • tous les travailleurs, y compris ceux occupant des postes de direction, les personnes sous contrat et les candidats  l’emploi.

La directive n’est pas encore applicable. Chaque État membre devra la transposer dans son droit national avant le 07 juin 2026. En France, ce sont donc les textes de transposition qui préciseront les obligations des employeurs.

Les nouvelles obligations en matière de transparence

Dès le recrutement : plus de clarté et moins de biais

La directive impose aux employeurs de fournir aux candidats des informations sur :

  • la rémunération initiale ou la fourchette de salaire, fondée sur des critères objectifs et non sexistes ;

  • les dispositions pertinentes issues de la convention collective, notamment les primes conventionnelles.

Cela signifie, entre autres, que la mention « rémunération selon profil » sera interdite.

Fin des questions sur l’historique salarial

Il sera interdit de demander à un candidat ses anciennes rémunérations. Cette mesure a deux objectifs :

  • éviter que les salaires passés influencent négativement la rémunération future ;

  • favoriser des négociations plus équitables, les femmes ayant tendance à moins négocier leur rémunération.

Des critères objectifs à communiquer aux salariés

Les employeurs devront mettre à disposition de manière facilement accessible les critères objectifs et non sexistes utilisés pour déterminer :

  • la rémunération ;

  • les niveaux de rémunération ;

  • la progression salariale.

Les États membres pourront exempter les entreprises de moins de 50 salariés uniquement sur la question de la progression.

Un nouveau droit à l’information  salariale

Les salariés pourront désormais demander par écrit des informations sur :

  • leur niveau individuel de rémunération ;

  • les niveaux moyens de rémunération ventilés par sexe, pour les catégories effectuant un travail de même valeur.

Qu’entend-on par « travail de même valeur » ?

La directive indique qu’il faut tenir compte :

  • des compétences ;

  • des responsabilités ;

  • des efforts fournis ;

  • des conditions de travail (télétravail, semaine de quatre jours…).

L’article L3221-4 du Code du travail précise qu’un travail a une valeur égale s’il requiert des connaissances professionnelles similaires (diplômes, expérience), ainsi que des responsabilités et une charge comparable.

Des systèmes de rémunération à structurer

Les employeurs devront établir des systèmes de rémunération structurés, transparents et accessibles. Une procédure interne devra être mise en place pour traiter les demandes des salariés.

Une information annuelle obligatoire

Chaque employeur devra informer les salariés une fois par an de leur droit à l’information, ainsi que des démarches nécessaires pour l’exercer.

Les salariés pourront s’informer par eux-mêmes, via leurs représentants ou par l’intermédiaire d’un organisme pour l’égalité de traitement. Si les informations reçues sont incomplètes, ils pourront demander des précisions. Une réponse détaillée devra leur être apportée.

Encadrement de l’usage des données

Les employeurs devront fournir les informations dans un délai de deux mois maximum. Ils pourront exiger que les données obtenues – autres que celles concernant la rémunération personnelle – ne soient pas utilisées à des fins détournées.

Par ailleurs, la directive interdit toute clause contractuelle empêchant un salarié de divulguer sa rémunération pour faire valoir ses droits.

Communication des écarts de rémunération par taille d’entreprise

Les entreprises de 100 salariés et plus devront publier des données sur les écarts de rémunération hommes/femmes, selon ce calendrier :

  • +250 salariés : au plus tard le 7 juin 2027, puis chaque année ;

  • 150 à 249 salariés : au plus tard le 7 juin 2027, puis tous les trois ans ;

  • 100 à 149 salariés : au plus tard le 7 juin 2031, puis tous les trois ans.

Une anticipation nécessaire

Pour se préparer, David Guillouet recommande :

  • de réaliser un audit de la politique de rémunération ;

  • d’identifier les écarts injustifiés et de prévoir les rattrapages ;

  • de renforcer le lien entre rémunération et performance ;

  • d’établir une classification des emplois pour comparer des postes équivalents ;

  • de créer des grilles de rémunération claires avec des critères objectifs ;

  • de revoir les processus de recrutement ;

  • de structurer une procédure de traitement des demandes ;

  • de former les RH et les managers pour expliquer le système et les perspectives d’évolution.

Faire de la transparence des rémunérations un levier stratégique

« Être capable de mettre en avant un système de rémunération équitable et transparent contribue à rendre l’entreprise plus attractive et à favoriser la cohésion interne. C’est un enjeu de marque employeur. Lever le tabou des salaires constitue un véritable défi organisationnel : la transparence ne se résume pas à une obligation légale mais vise à mettre en place des organisations plus justes. L’entreprise devra être capable de justifier sa politique de rémunération. Ainsi, les différences doivent reposer sur des éléments objectifs, matériellement vérifiables et étrangers à toute discrimination. Le changement doit être impulsé par les dirigeants et les managers et passe par une politique de communication et de sensibilisation des différents acteurs », déclare David Guillouet.

Viviane de Beaufort

0
    0
    Votre panier
    Votre panier est vide