Camille Le Gal et Laure Betsch, deux entrepreneuses qui rendent la traçabilité dans l’industrie de la mode possible

Camille Legal et Laure Betsch, Fairly Made

Elles ont une mission : « réduire l’impact de l’industrie de la mode sur l’environnement et améliorer les conditions sociales des travailleurs ». Elles, se sont Camille Le Gal et Laure Betsch, les deux fondatrices de l’entreprise Fairly Made, lancée en 2018. Ces deux amies de lycée ont toutes deux travaillé à des postes différents mais dans le secteur de la mode. Elles se sont finalement retrouvées autour d’une idée et d’une envie communes : « revaloriser toutes les filières de production, depuis une matière première à faible impact sur l’environnement bien sélectionnée puis transformée dans des usines engagées sur le plan social et environnemental. » Désormais Fairly Made accompagne une quarantaine de clients, faisant le lien entre des usines vertueuses à travers le monde et des marques responsables. Elles nous racontent les prémices de leur concept, les difficultés rencontrées, mais aussi la force d’être deux – femmes – à la tête d’une société.

Comment avez-vous eu l’idée de Fairly Made ?

Laure : Nous sommes amies depuis le lycée. Nous nous sommes retrouvées par hasard en même temps à Hong-Kong, Camille pour une agence de communication, moi en tant que chef de produit chez & Other Stories.

Camille : Nous travaillions toutes les deux dans l’industrie de la mode et nous avons commencé à comparer nos expériences respectives. Laure étant en lien avec la production, on a découvert l’existence de métiers comme représentant d’usine mais en creusant, on a constaté beaucoup d’opacité.

Mini Guide Entrepreneuriat

Laure : Le déclic a eu lieu dans un café à Hong-Kong, en 2016. Je racontais combien, en tant que chef de produit, j’avais énormément de mal à construire des collections responsables. Nous nous sommes dit alors que notre rôle n’allait pas être de créer des vêtements responsables, mais plutôt d’expliquer au maximum de marques, comment développer des collections à partir de fibres qui ont un impact réduit sur l’environnement via des réseaux de production qui sont engagés sur le plan social et environnemental.

Par où avez-vous commencé et quelles difficultés avez-vous rencontrées ?

Laure : On a construit Fairly Made petit à petit, entre Paris et Hong-Kong, en parallèle de nos jobs respectifs. Au départ, c’était plus une transmission de savoirs. Moi, j’expliquais ce que je vivais au quotidien concernant la production et Camille visitait des usines sur place.

Camille : Pour grossir le trait, on a pris conscience que le premier pas d’une mode responsable était d’arriver à créer une filière traçable. Donc on a été chercher des matières à faible impact et de là, on a remonté la chaîne. Cela nous a conduit en Chine mais surtout en Inde. On a rencontré des fournisseurs de matières premières, des agriculteurs en coton biologique. Ces recherches nous ont permis de constater les efforts des directeurs d’usines, mais aussi les difficultés qu’ils rencontrent. Nous avons étudié pourquoi les marques font toujours appel aux mêmes usines, pourquoi des usines vertueuses ont aussi des problèmes pour trouver des clients. On a identifié ce souci de mise en relation et on a créé un réseau de tisseurs, de filateurs, de teinturiers, et d’usines de matières. Tout ça nous a pris un an à peu près. L’entreprise a été officiellement lancée en juin 2018. Et l’autre difficulté a ensuite été de trouver les premiers clients. Il a fallu vérifier que tout ce qui avait germé dans notre tête en un an et demi était viable sur le plan économique. 

Quelles ont été les premières marques à vous faire confiance ?

Camille : Comme nous avions vraiment l’ambition de faire évoluer à grande échelle l’industrie de la mode, nous devions être capables de convaincre, dès le départ, de grands groupes.

Laure : Nos premiers clients ont été Les Galeries Lafayette, Balzac Paris et Des Petits Hauts. On s’est appuyées sur notre réseau mais nous avons aussi osé. En allant directement parler à la personne décisionnaire lors de salons par exemple.

Camille : Le bouche à oreille a ensuite fonctionné, ce qui fait que désormais nous travaillons aux côtés d’une quarantaine de clients.

Arrivez-vous toujours à répondre à toutes les demandes ?

Camille : Toutes nos recherches permettant de produire des pièces à faible impact sur l’environnement ont été synthétisées sur une plateforme web, fairlymadeimpact. Le but est ainsi de permettre à toutes les structures, grandes ou petites, de bénéficier de notre méthodologie et d’une mesure d’impact du vêtement basée sur quatre critères : social, environnemental, traçabilité et recyclabilité.

En quoi est-ce un atout d’être deux femmes à la tête de Fairly Made ?

Laure : C’est déjà hyper agréable de travailler avec une amie. En tant que femme on a pu bénéficier d’un réseau, il y a une solidarité entre femmes entrepreneures. On a notamment intégré l’incubateur Willa (Ex. Paris Pionnières).

Camille : C’est une force d’entreprendre à deux. On a toutes les deux des modèles féminins en tête alors cela nous tient à cœur d’intervenir aussi sur des salons, dans des écoles, d’être présentes de différentes façons. Car plus on incarne ces modèles-là, plus les femmes investiront l’entrepreneuriat demain.

Quelles sont les qualités que vous admirez l’une chez l’autre ?

Laure : Camille est la personne la plus optimiste que je connais. Elle est toujours d’une extrême bonne humeur et tire le positif de toutes les situations.

Camille : J’admire chez Laure sa résilience et son endurance au travail. Même s’il est indispensable de trouver le bon équilibre entre vie professionnelle et personnelle, une bonne entrepreneuse doit avoir une grande capacité de productivité. Or, Laure déploie une force incroyable dans le travail. Une force d’ailleurs très créative, car est aussi la directrice artistique de Fairly Made. C’est grâce à elle que, dès nos débuts, nous avons eu une très belle ligne esthétique. Cela nous permet de faire transparaître qui nous sommes et cela nous a vite aidé à nous positionner.

Comment voyez-vous la suite ?

Laure : Nous voulons être la référence du sourcing écoresponsable en Europe. Cela implique un déploiement dans toutes les grandes villes d’Europe. On pense tout d’abord à Stockholm. Nous désirons aussi nous ouvrir à d’autres secteurs car le textile est consommé dans plein de domaines différents. Beaucoup d’enjeux, en somme !

Camille : Notre objectif est aussi de continuer à agrandir l’équipe et partager notre message avec le plus grand nombre. Très tôt, au début de l’aventure, nous nous sommes fixées des valeurs : la bienveillance, la transparence et la rigueur. Elles nous guident et elles nous ont toujours permis de faire les bons choix que cela soit en termes de direction ou de recrutement. Vanina Denizot

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