Comprendre le présent au regard de notre histoire…
« Une peste terrible vint fondre sur les peuples de l’Orient et de l’Occident ; elle maltraita cruellement les nations, emporta une grande partie de cette génération, entraîna et détruisit les plus beaux résultats de la civilisation. Elle se montra lorsque les empires étaient dans une époque de décadence et approchaient du terme de leur existence ; elle brisa leurs forces, amortit leur vigueur, affaiblit leur puissance, au point qu’ils étaient menacés d’une destruction complète. La culture des terres s’arrêta, faute d’hommes ; les villes furent dépeuplées, les édifices tombèrent en ruine, les chemins s’effacèrent, les monuments disparurent ; les maisons, les villages, restèrent sans habitants ; les nations et les tribus perdirent leurs forces, et tout le pays cultivé changea d’aspect. »
Ibn Khaldoun in Le Muqaddima
Ibn Khaldoun évoque ici la Peste noire qui sévit au milieu du XIV ème siècle et toucha l’Eurasie, l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne. Plus de Soixante dix ans sans grande pandémie ( depuis la grippe espagnole), c’est une exception dans l’histoire de l’humanité. Nous ne sommes plus habitués à côtoyer la mort en masse. Il est là le trauma général, l’universalité de cette maladie capable d’arrêter le cours de nos vies en quelques semaines, quelques jours. Rien ne va plus. Notre système que nous pensions bien huilé déraille. Humain trop humain face à quelque chose qui nous dépasse que pour une fois, nous n’arrivons pas à maîtriser, à comprendre. Nous voulons conquérir Mars pour trouver une échappée si jamais la Terre n’est plus viable mais occupons nous d’elle avant tout car il n’y aura pas de plan B, elle sera toujours plus forte que nous. Elle nous domine par ses millénaires. Nous ne sommes pas des surhommes.
Regardons maintenant ce qui se passe en terme de surveillance au niveau des états. Nous entrons dans une société du contrôle total, l’abandon de nos libertés individuelles momentanées pour le « bien de tous », oui nous sommes d’accord mais attention, il y aura un avant et un après également dans ce domaine si nous n’y prenons garde.
Yuval Noah Harari* note dans le Financial Times du 20 mars : « De nombreuses décisions de court terme seront fixées dans le temps » et d’ajouter : « Dans ces temps de crise, nous sommes confrontés à deux choix particulièrement importants. Le premier est entre un régime de surveillance totalitaire et l’empowerment des citoyens. Le second, entre une isolation nationaliste et une solidarité mondiale. » Saurons-nous résister à ces tentations du pire ? La fin justifie les moyens dit-on mais quand s’arrête t-on et où ? Nos démocraties sauront-elle être assez fortes pour résister à la tentation ?
Véronique Forge Karibian
Fondatrice de Businessofeminin.com
*Yuval Noah Harari est l’auteur de Sapiens ( Albin Michel), Homo Deus
( Albin Michel) et XXI leçons pour le XXI ème siècle ( Albin Michel)