Caroline Lamaud : la bonne fée des startups

Caroline Lamaud

Caroline Lamaud a cofondé Anaxago avec deux camarades d’université, Joachim Dupont et François Carbone. Depuis 2012, de nombreuses start-up ont vu le jour grâce à leur plateforme de financement participatif, qui permet à des investisseurs privés de devenir actionnaires d’entreprises prometteuses. Entretien.

Comment êtes-vous tombée dans la marmite de l’entrepreneuriat ?

Je ne pensais pas entreprendre au départ. J’ai fait des études plutôt financières à Paris-Dauphine, dont une partie en apprentissage. J’ai notamment travaillé dans une banque, puis pour Dior à la fin de mon cursus. J’avais de l’ambition, mais plus corporate. Je m’imaginais rester plusieurs années au même poste et grandir au sein d’une entreprise. Je ne voyais pas comment j’arriverais à me construire seule dans l’entrepreneuriat, sans béquille entre guillemets.

J’ai rencontré à l’université mes deux associés qui, eux, étaient des entrepreneurs dans l’âme. Je les admirais beaucoup, j’avais pleine confiance en eux, donc quand ils m’ont proposé de les rejoindre, j’ai sauté sur l’occasion. Je ne me reconnaissais pas forcément dans ce modèle, mais je me suis dit que cela valait le coup de tenter l’aventure. Finalement, l’entrepreneuriat m’a tout de suite plu et c’est rapidement devenu une évidence. Quand j’ai quitté Dior, Anaxago avait presque un an et commençait à bien fonctionner.

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D’autres personnes vous ont-elles inspirée ?

J’ai des parents très travailleurs. Tous les deux à leur manière ont entrepris puisque ma mère possédait son propre cabinet dentaire tandis que mon père a repris ses études vers 30 ans pour changer de vie et devenir chef d’entreprise. J’ai donc des modèles forts à la maison ! Malgré tout, je crois qu’ils étaient un peu inquiets quand je me suis lancée. J’avais fait cinq ans d’études qui devaient mener assez facilement à un bon job. Je ne choisissais pas la voie la plus facile. Mais maintenant, ils sont un soutien sans faille.

Quels services proposez-vous avec Anaxago ?

Anaxago, c’est l’investissement nouvelle génération en quelque sorte. Nous proposons aux investisseurs privés de placer une partie de leur argent dans des start-up, des PME ou de l’immobilier. Nous leur donnons l’opportunité de devenir actionnaires de structures de l’économie réelle, donc de financer des emplois, des logements, et d’être vraiment acteurs de leur placement. Nous nous rémunérons à travers une commission sur les fonds levés. 50% de cette commission sont réinvestis au capital de la société financée pour renforcer l’accompagnement de la société par Anaxago sur le long terme. Personnellement, je m’occupe de toute la partie communication et marketing. La communication balaye aussi bien les relations presse que la communication digitale ou les relations publiques. Côté marketing direct, je gère l’événementiel, les salons… C’est très large ! Comme dans toutes les start-up, les jobs sont assez flous, tout le monde touche un peu à tout.

Pourquoi avoir choisi d’ouvrir votre plateforme aux projets immobiliers ?

Tout est parti d’une opportunité. Un jour, un promoteur visionnaire est venu nous trouver en nous expliquant qu’il souhaitait financer son prochain projet par le biais du crowdfunding. Ce n’était pas du tout notre métier, mais nous avons décidé de tenter le coup et le projet a levé 1,8 million d’euros très rapidement. Nous avons fait le constat qu’il y avait pénurie de logements en France, qu’il fallait absolument relancer la construction du neuf, et nous nous sommes lancés dans l’immobilier qui est devenu partie intégrante de notre business. Nous finançons beaucoup de constructions de logements sociaux.

Comment sélectionnez-vous les projets de start-up ?

La sélection s’opère de façon rigoureuse à travers plusieurs étapes qui vont de l’étude simple du dossier à la rencontre avec les équipes. Car l’humain fait toujours la différence, sur n’importe quel projet : il est essentiel pour nous d’avoir un bon « fit » avec l’entrepreneur, de partager ses valeurs. Les dossiers présélectionnés font ensuite l’objet d’un audit, avec une quarantaine de points de contrôle qui nous permettent de nous assurer de la viabilité de l’entreprise, de son business model et de sa capacité à se développer. Il n’y a pas de sélection pour les investisseurs, seulement un montant minimum de 1000 euros à engager.

Quel est le profil des entrepreneurs et investisseurs que vous accompagnez ?

Les profils des premiers se révèlent très variables, de l’entrepreneur étudiant qui a imaginé un concept en sortant dans un bar avec ses amis à l’entrepreneur quinquagénaire qui a de la bouteille, qui a déjà dirigé une boîte cotée en bourse, mais qui se lance dans la création d’un nouveau médicament contre l’accident vasculaire cérébral. Côté investisseurs, nous avons affaire à des profils plus homogènes avec une population très masculine qui a la quarantaine et qui vient participer à une aventure entrepreneuriale.

Quel bilan affichez-vous en 2015 ? Avez-vous poussé des start-up en vogue aujourd’hui ?

L’année dernière, nous avons financé une trentaine de projets, immobilier et start-up confondus. Nos start-up ne sont pas encore aussi en vue que BlaBlaCar, mais je pense qu’elles sont les futures BlaBlaCar ! Nous avons notamment aidé Flashgap à voir le jour. Cette application, inspirée par le film Very Bad Trip, permet de partager un album photo avec ses amis en soirée. Les clichés disparaissent au bout de trois secondes et c’est seulement le lendemain à midi que tout le monde reçoit l’album.

Quels sont vos objectifs pour 2016 ?

En 2015, nous avons investi un peu plus de 20 millions d’euros dans l’économie. Cette année, nous espérons atteindre les 50 millions. Et nous aimerions augmenter le panel des produits que nous offrons à l’investissement. Nous voulons proposer des produits plus innovants, comme la possibilité d’investir dans son propre cheval de course par exemple. Concernant les effectifs, nous doublons tous les ans. Aujourd’hui, nous sommes 25, mais si nous continuons sur notre lancée, nous serons peut-être 40 fin 2016 !

Vous avez rejoint le Dell Women’s Entrepreneur Network. Pour vous, c’est la seule manière de faire bouger les lignes ?

J’avais envie d’échanger avec des femmes qui, comme moi, ont parfois été confrontées à des comportements sexistes, à des choses désagréables auxquelles je ne m’attendais absolument pas – comme lorsqu’on me demande avec lequel de mes associés je couche. Je suis issue d’un milieu où cette distinction n’existe pas : j’ai une maman qui travaille, j’ai fait des études dans un environnement masculin. Me rapprocher d’un réseau féminin me permettait de voir ce qu’il était possible de faire avec des personnes qui vivent la même expérience que moi.

Depuis 2012, quelles évolutions avez-vous pu observer en matière d’entrepreneuriat ? Recevez-vous davantage de dossiers ? Les femmes sont-elles plus représentées ?

Nous recevons une centaine de projets par mois, dont très peu sont portés par des femmes. L’entrepreneuriat féminin se développe mais n’est pas encore généralisé. On assiste en revanche à une professionnalisation progressive. Entreprendre n’est plus un gros mot, alors que quand j’étudiais à Dauphine, l’idée n’était ni envisagée ni reconnue : celui qui faisait les choses bien allait travailler en private equity, en M&A ou dans un gros cabinet d’audit. Aujourd’hui, des tas d’écoles proposent des formations dédiées et nous ne manquons pas de rôles modèles. Pierre Kosciusko-Morizet, par exemple, fait énormément pour évangéliser l’entrepreneuriat. Je suis donc pressée de découvrir la nouvelle génération d’entrepreneurs qui va arriver sur le marché, et j’espère qu’elle sera plus féminine.

Vous avez participé en septembre dernier au G20 des jeunes entrepreneurs à Istanbul. Que vous a apporté cette expérience ?

C’était très intéressant d’appréhender l’entrepreneuriat dans différents pays. En dehors des Etats-Unis, qui restent loin devant nous, la France me semble en avance dans ce domaine, en tout cas par rapport aux nationalités avec lesquelles j’ai pu échanger durant le sommet. Un travail a été accompli pour présenter l’entrepreneuriat aux jeunes et le rendre attractif. Je pense que nous sommes sur la bonne voie.

@manondampierre

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